La pauvreté frappe plus d’une famille monoparentale sur trois
En 2023, la pauvreté en France métropolitaine a atteint un pic historique avec 15,4 % de la population concernée, soit 9,8 millions de personnes. Cette augmentation, la plus forte depuis près de 30 ans, touche particulièrement les familles monoparentales et les enfants.
Selon l’étude annuelle de l’Insee publiée le 7 juillet*, la pauvreté a atteint un niveau inédit en France en 2023, incluant l’Hexagone et la Corse. En un an, le taux de pauvreté a grimpé de 0,9 point, passant de 14,4 % en 2022 à 15,4 % en 2023. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis la création de cet indicateur en 1996, soit près de 30 ans de suivi. Concrètement, en 2023, 9,8 millions de personnes vivaient en situation de pauvreté monétaire, c’est-à-dire avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Ce seuil correspond à 60 % du revenu médian, soit 1 288 euros par mois pour une personne seule.
En seulement un an, 650 000 personnes ont basculé dans la pauvreté.
« C’est un niveau inégalé depuis près de trente ans », souligne auprès de l’AFP Michel Duée, chef du département ressources et conditions de vie des ménages à l’Insee. « Si l’on veut remonter plus loin, il faut revenir au début des années 1970 pour retrouver des niveaux de pauvreté comparables ». Selon lui, cette hausse s’explique en grande partie par la fin des aides exceptionnelles mises en place en 2022, comme l’indemnité inflation et la prime exceptionnelle de rentrée, qui avaient temporairement soutenu le pouvoir d’achat. « L’autre facteur, c’est l’augmentation, parmi les non-salariés, de la part des micro-entrepreneurs dont les revenus restent très faibles », ajoute-t-il.
La hausse du taux de pauvreté touche plus particulièrement les familles monoparentales et les enfants, tandis que les retraités sont moins affectés.
Les familles monoparentales, composées à plus de 80 % de mères seules avec enfant, restent les plus touchées : plus d’un tiers d’entre elles (34,3 %) vivent sous le seuil de pauvreté. Les couples avec au moins trois enfants sont également fortement concernés, avec un taux de pauvreté de 25,8 %.
La dégradation de la situation des familles monoparentales entraîne une hausse de la pauvreté des enfants
« La hausse de 50 % de l’allocation de soutien familial fin 2022 (…) n’a pas suffi à compenser la fin des aides exceptionnelles dont de nombreuses familles monoparentales avaient bénéficié en 2022 », relèvent les auteurs de l’étude. Par ailleurs, la faible revalorisation des allocations logement, en dessous de l’inflation, a aussi pénalisé ces ménages, dont près de la moitié perçoit cette aide.
Cette précarité croissante touche aussi les enfants. « La dégradation de la situation des familles monoparentales entraîne une hausse de la pauvreté des enfants : en 2023, le taux de pauvreté des moins de 18 ans grimpe de 1,5 point, atteignant 21,9 % », note l’Insee.
Ces constats traduisent « le désengagement progressif des gouvernements en matière de lutte contre la pauvreté », dénonce dans un communiqué du 8 juillet le Collectif Alerte. Si les mesures d’urgence adoptées durant les années COVID ont temporairement atténué la crise sociale, les données 2023 de l’Insee révèlent « l’ampleur de la réalité de la pauvreté » dans notre pays. L’insuffisante revalorisation des prestations sociales, conjuguée à la fin des aides exceptionnelles, a frappé de plein fouet en 2023 « celles et ceux qui en avaient le plus besoin ».
Face à cette situation préoccupante, les 37 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion appellent à un changement radical de politique. Après la mobilisation du Collectif Alerte, le Premier ministre a annoncé, le 3 juillet, son engagement à fixer un objectif national de réduction de la pauvreté sur dix ans. « Compte tenu de l’urgence dont témoignent les chiffres de l’Insee », le Collectif Alerte demande que cet objectif soit rapidement précisé, avec une première étape fixée à 2030, en accord avec le premier objectif de développement durable, et surtout accompagné d’« une stratégie ambitieuse pour y parvenir ».
*Cette étude de l’Insee concerne uniquement les ménages ordinaires résidant en France métropolitaine. Elle exclut ainsi les populations des départements d’Outre-mer (DOM), les sans-abri et les personnes vivant en institution, laissant de côté une part significative de la population. À La Réunion et en Martinique, respectivement 36,1 % et 26,8 % de la population se situent en dessous du seuil de pauvreté en 2021.