Violences conjugales : quand la protection des enfants reste à la traîne

Si la France a renforcé la lutte contre les violences conjugales, elle néglige encore trop souvent les enfants exposés. Écartés des dispositifs, leur protection reste fragmentaire, morcelée et inégale, laissant des milliers de mineurs vulnérables sans soutien adapté.

Les femmes restent les premières victimes des violences conjugales, mais les enfants, qu’ils soient témoins ou victimes directes, subissent aussi des traumatismes profonds souvent laissés dans l’ombre. Les sénateurs Arnaud Bazin (Les Républicains, Val-d’Oise) et Pierre Barros (Écologiste, Hauts-de-Seine), dans un rapport récent, alertent sur ce silence lourd de conséquences.

Si des progrès ont été accomplis depuis le Grenelle de 2020, les deux élus dénoncent une politique publique encore trop centrée sur la relation de couple, au détriment des mineurs touchés, pourtant en première ligne des violences intrafamiliales. « Il n’est plus acceptable que la parole de l’enfant victime ne soit pas entendue, ni traitée comme celle d’un sujet à part entière », soulignent les parlementaires.

Chaque année, plusieurs centaines de milliers de mineurs grandissent dans des foyers marqués par des violences conjugales. © Getty Images

Enfants : les grands oubliés

En 2023, neuf enfants mineurs ont perdu la vie dans le cadre de violences conjugales. Chaque année, entre 100 et 150 enfants deviennent orphelins à la suite d’un féminicide parental, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes. Certains ont assisté directement au meurtre de leur mère, se trouvaient dans la pièce voisine ou ont été réveillés en pleine nuit par l’intervention des forces de l’ordre. Par ailleurs, une trentaine d’enfants sont endeuillés chaque année par le suicide du parent auteur de violences, souvent consécutif au féminicide.

Chaque année, plusieurs centaines de milliers de mineurs grandissent dans des foyers marqués par des violences conjugales. Selon la Fondation pour l’Enfance, environ 143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré être victime de violences physiques et/ou sexuelles de la part de son conjoint ou ex-conjoint. Parmi eux, 42 % ont moins de 6 ans. Près de 60 % des jeunes concernés subissent également des violences physiques. Ces situations répétées entraînent des conséquences lourdes sur leur santé mentale, leur développement émotionnel et scolaire : 73 % présentent des troubles psychiques sévères — anxiété, dépression, troubles du sommeil, agressivité ou repli sur soi — et environ 45 % décrochent scolairement. Chez les plus jeunes, ces traumatismes peuvent engendrer des retards cognitifs allant jusqu’à six années.

Malgré cette réalité alarmante, les dispositifs d’aide ne tiennent pas compte des besoins spécifiques des enfants : aucune prise en charge systématique n’est prévue lors du départ du domicile familial, et les structures d’hébergement spécialisées, souvent saturées, ne garantissent pas toujours leur sécurité ni la continuité de leur scolarité.