Mounir El Harradi, directeur de l'association mosellane Apsis-Émergence, et co-auteur de l'ouvrage "Le travail social en mode virtuel ?" (Éditions Pétra) revient sur la manière dont les réseaux sociaux impactent la mission éducative de la prévention spécialisée auprès de certains jeunes. Interview.


Vous avez écrit avec le sociologue Jean-Yves Trépos un ouvrage consacré aux évolutions induites par l'usage des réseaux sociaux des adolescents sur le travail des professionnels de la prévention spécialisée. Il fait suite à un Livre blanc sur ce même sujet rendu public en 2020. Comment cette réflexion a-t-elle démarré sur ce que vous appelez les "rues virtuelles" ?

Au cours des années 2014-2015, au sein de l'association Apsis-Émergence nous nous rendions déjà compte d'une raréfaction des rencontres avec certains publics. Il y avait des jeunes que l’on ne touchait plus dans la rue. Il fallait donc réfléchir à une nouvelle manière d’entrer en relation ou de maintenir le contact avec ces "invisibles". Dès ces années-là, les réseaux sociaux tels que Facebook, Snapchat étaient beaucoup plus efficaces pour entrer en relation avec les jeunes et ce mode de communication était déjà utilisé par certains de nos professionnels. Quelques éducateurs avaient des jeunes dans leurs contacts sur leurs comptes Facebook personnels. Dans un premier temps, nous avons été présents sur certains réseaux pour observer les comportements, les pratiques, les socialisations des jeunes. Le groupe de travail a ensuite continué pour faire une recherche-action.

Quels sont les enjeux pour la prévention spécialisée de cette pratique juvénile des réseaux sociaux  ?

Les adolescents avec les réseaux sociaux ont des pratiques et des usages qui sont différents. Ce n’est plus la bande d’adolescents qui se regroupent physiquement par communauté d’intérêts. Ils peuvent désormais se regrouper de manière virtuelle sur YouTube, les jeux vidéo, les paris en ligne … Les pratiques et les usages des adolescents changent parce qu’il y a une nouvelle offre d’interactions, de socialisations avec Internet. Les travailleurs sociaux doivent réfléchir à ce sujet et à leurs relations avec ces jeunes. De génération en génération, on constate une migration des jeunes sur un réseau social. On a commencé par Facebook, ensuite Snapchat qui reste encore très utilisé, puis Twitter et maintenant Instagram et Tik Tok. Il y a une réflexion à avoir sur la "rue virtuelle" et en particulier sur la posture éducative à adopter. Lorsque l’on est en relation avec un jeune via un réseau social, est-ce que l’éducateur doit avoir la même posture éducative que dans le réel ? A chaque génération, son réseau social, son mode de communication. Certains jeunes n’ont pas de numéro de téléphone portable. Si on n’est pas en lien avec eux sur Snapchat on ne peut pas les contacter. Il y a également un travail d’accompagnement des parents à mener lors d’ateliers, de café-débats. Certains ne savent pas ce que font leurs enfants sur les réseaux sociaux.

Mounir El Harradi © DR
"Nous essayons d’inventer au quotidien une manière d’être présents sur les réseaux sociaux"

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