Dès la soirée du 12 octobre, quelques heures après l’annonce de la composition du gouvernement Lecornu II, Isabelle Santiago, députée socialiste du Val-de-Marne, a pris la parole sur LinkedIn. Elle y dénonce « l’instabilité qui fragilise », depuis 2022, la politique de l’enfance, et réclame « une stratégie nationale pérenne » ainsi que la création d’un ministère pleinement dédié à cette cause.

Rapporteure de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, Isabelle Santiago dresse un constat sévère : « Depuis 2022, quatre ministres des Solidarités se sont succédé : Damien Abad, Jean-Christophe Combe, Aurore Bergé, Catherine Vautrin. » Elle fustige également « une valse continue de secrétaires d’État » à l’enfance, à la jeunesse, au handicap ou aux familles. Résultat : « Aucune cohérence, aucune vision, aucune continuité. »

L'élue estime que cette instabilité empêche d’ancrer une action publique durable : « Chaque ministre arrive, découvre, repart. Aucun n’a le temps — ni souvent la formation, ni l’expérience, ni l’ancrage territorial — pour comprendre la complexité des politiques publiques de l’enfance. » Selon elle, « il faut une connaissance fine du sujet et une vision stratégique : c’est un enjeu majeur de santé publique » pour combler « le retard abyssal de la France en la matière. »

« Un quinquennat affligeant pour l’enfance »

« Comment construire une politique nationale pour nos enfants quand les gouvernements se succèdent sans jamais assurer un pilotage durable ? Comment protéger, prévenir, accompagner, quand la seule constante est… l’instabilité depuis 2022 sur l’ensemble de ce quinquennat ? » interroge la députée socialiste du Val-de-Marne, qui dénonce « un quinquennat affligeant pour l’enfance ».

Elle alerte sur les conséquences de cette instabilité : « Derrière chaque changement de ministre, ce sont des mois perdus, des équipes désorientées, des arbitrages repoussés. » Elle rappelle aussi que « la commission d’enquête a donné la feuille de route à suivre » et qu’un projet de loi sur la protection de l'enfance « était en construction cet été pour un débat parlementaire à l’automne. »

La nomination de Catherine Vautrin au ministère des Armées, elle qui occupait jusqu’alors le poste de ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, retient particulièrement son attention : « C’est la seule ministre que j’ai considérée à la hauteur de sa fonction sur le sujet de l’enfance et qui semblait vouloir tenir ses engagements. » Et de s’interroger : « Désormais, trois à cinq nouveaux ministres pour un sujet majeur : l’enfance en danger. Qui sera pilote ? La nouvelle ministre de la Santé ? »

Appel à un sursaut politique

Pour Isabelle Santiago, la situation exige une réforme en profondeur : « La politique de l’enfance ne peut pas dépendre du hasard des remaniements. Il faut une stratégie nationale pérenne, un ministère de plein exercice dédié à l’Enfance, doté de compétences transversales, d’un pilotage scientifique, et d’un calendrier pluriannuel. »

Début octobre, la députée avait d’ailleurs adressé un courrier au Premier ministre afin de lui demander d’inscrire l’enfance parmi les priorités de sa déclaration de politique générale. Elle attend désormais avec une grande attention le discours du locataire de Matignon, prévu le 14 octobre à l’Assemblée nationale. Dans le même élan, une autre lettre, cette fois co-signé par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, ainsi que par les députées Perrine Goulet (MoDem), Laure Miller (Renaissance) et Isabelle Santiago, toutes membres de la Délégation aux droits des enfants, rappelle « l’urgence absolue d’apporter une réponse aux enjeux de l’enfance protégée ».

Face à ce qu’elle considère comme un angle mort des politiques publiques, la parlementaire socialiste ne cache plus son exaspération : « Il est certain que ma patience est terminée sur un enjeu de santé publique : l’enfance en France. »

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