Véritable lanceuse d’alerte, Myriam Pierson-Berthier, forte de ses 35 ans d'expérience comme pédopsychiatre et comme expert judiciaire, brise le silence sur les violences sexuelles dont sont victimes des bébés et de très jeunes enfants. Interview.

Bio : Médecin psychiatre, spécialisée en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, interne des Hôpitaux psychiatriques de Nancy, Myriam Pierson-Berthier a longtemps exercé en service médico-sociaux ainsi qu’en néonatalogie. Elle est aujourd’hui formatrice et experte près les tribunaux judiciaires. Elle est l’auteur d’un livre, "Le bébé maltraité se tait, mais il parle" paru en mars 2022 chez Dunod, consacré au repérage précoce et à la prise en charge des bébés et jeunes enfants victimes de violences sexuelles.

"Le bébé maltraité se tait, mais il parle" est le premier livre consacré aux violences sexuelles chez le bébé et le tout-petit. Vous levez le voile sur un sujet très dérangeant. Votre livre est selon votre formule « une clinique de l’impensable, de l’indicible, de la transgression ».

Myriam Pierson-Berthier. Parler des violences sexuelles sur les bébés, c’est effroyable. Pour beaucoup, ce sujet est inimaginable, inconcevable, d’une violence incroyable. Oser parler des violences sexuelles sur les bébés, c’est parler des violences intrafamiliales, de l’inceste mais cela n’exclut pas les violences sexuelles commises dans les crèches, chez les assistantes maternelles, par des étudiants venant garder les enfants, etc. J’ai rencontré de très nombreux enfants victimes. Mon livre repose sur des expériences que j’ai eues. Il ne s’agit en aucun cas d’hypothèses, d’élucubrations ou de jeux de l’esprit. Il y a des corrélations cliniques que je mets en évidence dans mon livre, les liens existants entre des violences notamment sexuelles et l’expression somatique, corporelle et comportementale du bébé. Les agresseurs savent très bien ce qu’il faut faire pour ne pas laisser de traces et ils se le recommandent même entre eux. Il est exceptionnel de trouver des traces d’ADN, de sperme, des cheveux. Certains signes appartenant au langage non-verbal sont particulièrement signifiants chez le bébé et les jeunes enfants. Il existe un certain nombre de signes, de symptômes très évocateurs, ce que l’on appelle dans le jardon médical, pathognomoniques. Si ces signes existent, ils attestent qu’il y a eu violences sexuelles.

Vous êtes une lanceuse d’alerte sur ce sujet et vous rencontrez de fortes résistances. Pourquoi ?

M. P-B. Ce livre que j’ai essayé de rendre le plus abordable possible s’adresse à tous les professionnels qui s’occupent d’enfants et en particulier aux médecins. Je dérange beaucoup parce je donne des preuves factuelles, des faits, des signes cliniques non contestables. Je rencontre l’ignorance de beaucoup qui ne connaissent pas les signes d’appel, les comportements d’appel, les symptômes, la clinique des bébés et jeunes enfants victimes. Même s’il y a une légère amélioration, cette question des violences sexuelles sur les très jeunes enfants n’était pas enseignée dans les facultés de médecine. Il y a ceux qui ne savent pas, ceux qui acceptent d’apprendre et vont ouvrir les yeux et il y a tout l’éventail de ceux qui vont s’ingénier à ce que ces violences ne s’expriment pas, ne soient pas reconnues, ne soient pas jugées, ne soient pas condamnées.

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