Les condamnations de la loi immigration par les acteurs du secteur social se multiplient. Le collectif Cause Majeur ! et l'Union nationale pour l'habitat des jeune (Unhaj) s'alarment des nombreuses atteintes aux droits des mineurs non accompagnés (MNA) qui découlent de cette loi.

Cause Majeur! déplore, dans un communiqué du 21 décembre, « une discrimination inédite » dans l'accompagnement et l’intégration des jeunes majeurs issus de la protection de l'enfance, « qui précarisera durablement les anciens mineurs non-accompagnés ». Le collectif - qui regroupe une trentaine d’associations nationales, collectifs et personnes qualifiées - rappelle que la prise en charge des mineurs isolés relève du champ de la protection de l’enfance et ne devrait « en aucun cas » figurer dans un texte sur l'immigration.

« Plusieurs mesures viennent restreindre l’accès des anciens MNA à la régularisation de leur situation, même s’ils travaillent et font tout pour s’intégrer », dénonce, de son côté, l'Union nationale pour l'habitat des jeune (Unhaj) redoute l’« onde de choc » qui va résulter de cette loi.

Cause Majeur! condamne notamment les article 12 bis et 7 ter de la loi largement adoptée le 19 novembre à l'Assemblée Nationale, qu'il juge respectivement contraires à la loi Taquet du 7 février 2022 et à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Pour rappel, l'article 12 bis interdit l’accès aux contrats jeunes majeurs (CJM) aux jeunes majeurs ex-MNA relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF). L'article 7 ter restreint le droit au séjour pour les anciens enfants placés en limitant les critères d’obtention d’un titre de séjour "vie privée et familiale", « titre de plein droit pour les jeunes pris en charge par l’ASE avant leurs 16 ans », soulignent les associations. « Ces articles créent un double système de protection de l'enfance : un pour les enfants français et un pour les enfants étrangers. Il s'agit d'une grave discrimination au regard du droit introduisant une préférence nationale dans la protection sociale », fustige Cause Majeur!

Autre sujet d'inquiétude : l'article 11 ter qui prévoit la création d'un fichier national des "MNA délinquants". Pour les associations, il s'agit d'un « traitement différencié et discriminatoire » pour les enfants étrangers protégés qui entraînera des difficultés supplémentaires de régularisation à la majorité.

"Cette loi mettra largement en difficulté les travailleurs sociaux de nos structures et de la protection de l’enfance plus généralement. En effet, ces derniers feront face à un dilemme moral, cette loi entrant totalement en contradiction avec la mission d’accueil et d’humanité de nos métiers"

L'article 1er bis de la loi immigration limite le renouvellement de la carte de séjour temporaire à trois fois pour un même motif. « Cette disposition pourrait directement viser des jeunes anciennement placés à l'aide sociale à l'enfance. Ils seraient donc exposés à une expulsion du territoire, alors même qu'ils sont étudiants ou en emploi durable », redoute Cause Majeur!

Une autre disposition du texte de loi pourrait porter préjudice aux MNA. Celle de l'article 1er qui introduit la nécessité de justifier d'un niveau de langue suffisant pour accéder à une régularisation. « Or, les MNA font face à de nombreux obstacles pour accéder à l'éducation. D'après l'UNICEF, ils perdent entre 6 mois et 3 ans de scolarité du fait des procédures administratives ou judiciaires ainsi que du manque de places dans les dispositifs d'évaluation et d'apprentissage du français », rappelle le collectif.

Selon un rapport sénatorial de septembre 2021, 93% des demandes de titres de séjour d’anciens MNA reçoivent une réponse positive. L'Unhaj craint que ces nouvelles conditions imposées par la loi ( prouver qu’ils n’ont plus de liens avec leur famille ou encore avoir un niveau de français suffisant) -entravent l’obtention d’un titre de séjour.

La loi immigration a durci les conditions d'accès aux APL (lire notre article). « Chacun sait que les jeunes en général vivent des situations précaires, avec des contrats de courte durée (CDD, intérim…) et des périodes d’inactivité subie. Qu’en sera-t-il de l’accès à l’APL des jeunes étrangers ? La perte du bénéfice de l’APL rendra impossible à ceux qui sont déjà logés de continuer à payer leur loyer et les condamnera donc à terme à l’expulsion, et elle empêchera ceux qui ne sont pas encore logés d’accéder à un logement », redoute l'Unhaj. Les associations considèrent que les différentes dispositions de la loi immigration vont conduire à une précarisation durable des jeunes majeurs "ex-MNA". 

Ces nouvelles dispositions de la loi immigration concernant les jeunes majeurs "ex-MNA" contreviennent à « l’éthique des travailleurs sociaux », juge le collectif Cause Majeur!. De fait, cette loi mettra largement les professionnels dans les établissements et services et ceux de la protection de l’enfance « face à un dilemme moral ». 

Cause Majeur ! attend la censure des articles concernant les anciens mineurs non accompagnés par le conseil constitutionnel mais aussi « une censure totale » du projet de loi.

La loi immigration prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juin de chaque année, un rapport qui « indique et commente », pour les dix années précédentes, en métropole et dans les Outre-mer, notamment, le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et les conditions de leur prise en charge. Également le nombre d’étrangers mineurs ayant fait l’objet d’un placement en rétention ou en zone d’attente et la durée de celui-ci.

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