Saisi en mai 2021 par des associations notamment le Cofrade et Kids Empowerment, le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) va mener une enquête en France concernant la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA).

Le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade) et Kids Empowerment ont, en mai 2021, avec le soutien d’associations et de collectifs citoyens, saisi le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) afin de dénoncer « les violations graves et systématiques des droits des mineurs non accompagnés (MNA) observées en France ». Après plusieurs mois de silence, le Comité des droits de l’enfant - siégeant à Genève et chargé du contrôle de l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant (CIDE) par les États parties - a informé, le 23 mars, les associations qu’une enquête serait menée « sur le fondement de l’article 13 du Protocole additionnel » à la CIDE.

Rappels des faits. En novembre 2020, le Cofrade et Kids Empowerment avaient adressé au Comité de Genève une "communication" rédigée par Maître Camille Oberkampf et Maître Delphine Mahé, avocates au Barreau de Paris et membres de l’Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme. Accès aux soins, à l'hébergement, à l'éducation… Dans un rapport de 80 pages, les associations ont recensé des situations factuelles dans l’Hexagone et en outre-mer, où les droits des MNA n'étaient pas respectés. « Cette demande a été suivie en août 2021 d’un autre rapport comprenant des éléments d’enquête complémentaires. Le Comité des droits de l’enfant a donc trouvé la demande des associations crédible et a décidé de mener une enquête sur les éléments factuels présentés », se satisfait Camille Oberkampf. Pour le Cofrade et Kids Empowerment, les « violations graves et systématiques » des droits des mineurs non accompagnés sur le sol français découlent de deux facteurs principaux. D’une part, le déni de minorité, empêchant les enfants de bénéficier du dispositif national de protection de l’enfance. Et d’autre part, l’insuffisance des moyens alloués par l’Etat aux départements responsables de la prise en charge de ces enfants.

"Rien ne garantit que le futur gouvernement coopère de manière volontaire et transparente"

« Avec l’annonce de cette enquête, nous avons franchi une étape essentielle », se satisfait Armelle Le Bigot-Macaux, présidente du Cofrade. Cette annonce s'inscrit dans un contexte où la politique française d'accueil et d'accompagnement des MNA est sous le feu des critiques. En février 2022, Claire Hédon, la Défenseure des droits avait rendu un rapport sévère dénonçant la mauvaise prise en charge des mineurs non accompagnés et avait formulé 32 recommandations afin de « faire progresser l’effectivité des droits » pour ces mineurs.

Mais pour la présidente du Cofrade, « rien n’est encore joué, car rien ne garantit que le futur gouvernement coopère de manière volontaire et transparente pour faire toute la lumière sur la situation alarmante de ces enfants. » En effet, le Protocole facultatif prévoit que « l’enquête se déroule dans la confidentialité », et que l’État français est simplement « sollicité à tous les stades de la procédure ».

Est-ce alors une simple victoire symbolique pour les associations ? Maître Camille Oberkampf répond par la négative. « Cette décision du Comité des droits de l'enfant est contraignante pour la France car l'enquête sera menée. Certes, il n'y a pas de contrainte car l'Etat français n'est pas obligé d'accepter, par exemple, une visite sur le territoire national des enquêteurs envoyés par les Nations-Unies. Cette procédure est inédite. Elle a été très peu utilisée car le protocole qui la prévoit a été adopté il y a quelques années seulement. Une seule enquête a été menée jusqu'à son terme au Chili au sujet des conditions d'accueil des enfants dans les orphelinats. Elle a d’ailleurs conduit à la refonte du système de l'aide à l'enfance du pays », explique l’avocate.

Autre point d’interrogation pour les associations requérantes : le facteur temps, car ni le Comité des droits de l’enfant ni l’État français ne sont tenus à respecter des délais impartis dans l'avancement de l’enquête. « Il n'y a pas, en effet, de calendrier dans le protocole. En raison de la problématique de la confidentialité, nous ne savons pas aujourd’hui si cette enquête a commencé ou pas. Tous les éléments de l'enquête du Comité sont confidentiels et ne seront pas partagés avec les associations requérantes », précise Me Camille Oberkampf.
Pour l'heure, si le Cofrade se satisfait de l'annonce de cette enquête, il ne cache pas sa crainte de voir « ces lacunes » du Protocole facultatif conduire à « de possibles atermoiements sur ce sujet hautement sensible, à propos duquel la responsabilité des pouvoirs publics ne fait aucun doute. » Un dossier dont hériteront les futurs locataires de l'Elysée et Matignon.