Peut et doit mieux faire. Le Conseil de l'Europe exhorte la France à intensifier ses efforts pour faciliter et garantir l'accès à la justice des victimes de la traite des êtres humains, y compris des enfants dont la part est passée de 17 à 27 % entre 2016 et 2020.  

Le rapport d’évaluation du Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), publié le 18 février, est le troisième sur le sujet concernant la France, après ceux de 2013 et 2017. Si la France demeure avant tout un pays de destination des victimes de la traite des êtres humains (TEH), elle est également un pays d’origine et de transit. Selon la base de données des victimes du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, le nombre de victimes de la traite et d’autres infractions liées à la traite (proxénétisme, réduction en esclavage, réduction en servitude, travail forcé, exploitation de la mendicité et conditions de travail et d’hébergement indignes) s’élevait à 1 243 en 2020.

20 % des victimes majeures étaient mineures au début de leur exploitation.

La part des mineurs parmi les victimes est passée de 17 à 27 % entre 2016 et 2020. A titre indicatif, leur nombre était de 238 (dont 133 français) en 2016 et de 339 (dont 255 français) en 2020. Selon les associations spécialisées, 203 enfants victimes de la traite ont été suivis par 37 associations en 2019, ce qui représente 8 % de l’ensemble des victimes accompagnées par ces associations. Par ailleurs, 20 % des victimes majeures étaient mineures au début de leur exploitation.

Qui sont ces enfants  ? La grande majorité sont d’origine étrangère : d’Afrique (notamment Nigéria) et d’Europe de l’Est (Roumanie et Bulgarie notamment) en ce qui concerne l’exploitation sexuelle ; d’Europe de l’Est (majoritairement Roumanie) et d’Afrique du Nord (Algérie et Maroc) pour ce qui est la traite aux fins d’exploitation de criminalité forcée ; et d’Afrique quant à l’exploitation par le travail et la servitude domestique.

Le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains"

Au regard de toutes ces données, le GRETA se dit préoccupé « par la tendance croissante de la traite des enfants en France » et « l’insuffisance des moyens mis en place pour détecter et prendre en charge les victimes ». Comme dans son rapport de 2017, le groupe d'experts exhorte les autorités françaises à intensifier leurs efforts pour prévenir et combattre la traite des enfants, à identifier les enfants victimes et à leur fournir une assistance adéquate.

Les enfants victimes de la traite doivent être informés de leurs droits par différentes personnes impliquées dans leurs prises en charge.

Les rapporteurs recommandent notamment à la France de dispenser une formation continue  aux parties prenantes (police, procureurs, autorités responsables de l’asile et des migrations, personnels des aéroports, prestataires de services, personnels éducatifs, autorités de protection de l’enfance, ONG, etc.) en ce qui concerne l’identification de ces enfants. Ils préconisent également des mesures pour traiter efficacement le problème de la disparition d’enfants victimes de la traite des centres d’accueil, en leur assurant un hébergement sécurisé et des services adaptés et un nombre suffisant de surveillants dûment formés.

Les enfants victimes de la traite doivent être informés de leurs droits par différentes personnes impliquées dans leurs prises en charge, tels que l’aide sociale à l’enfance (ASE), la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les administrateurs ad hoc et les avocats désignés. « Tous n’ont pas accès à ces professionnels et ne sont donc pas informés de leurs droits », déplore le GRETA.
« La désignation de tuteurs légaux chargés de représenter les enfants non accompagnés ou séparés est indispensable pour permettre aux enfants victimes de la traite d’avoir accès à la justice et à des recours. En outre, le fait de faciliter le regroupement familial peut être un important élément de restitution », poursuivent les rapporteurs. Ils appellent aussi à développer des programmes de réinsertion pour ces mineurs.

Le GRETA considère que les autorités françaises devraient, en priorité, mobiliser des ressources financières et humaines nécessaires pour combattre efficacement toutes les formes de traite et veiller à ce que les documents stratégiques, tels que le plan d’action national contre la traite des êtres humains, soient « adoptés en temps utile ». Rappelons qu'en décembre 2021, la France est devenue "pays pionnier" de l'alliance internationale 8.7 en présentant sa stratégie nationale d'accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l'esclavage contemporain à l'horizon 2030. « Nul doute que ce rapport [du GRETA] suivi des remarques du gouvernement français est un élément à prendre en compte pour l'établissement su troisième Plan national d'action de la France qui devrait être présenté au plus tard le 18 octobre 2022 (le précédent plan 2019 -2021 avait été présenté le 18 octobre 2019) », souligne le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains".

(1) Le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) est un organe indépendant qui surveille la manière dont les pays appliquent la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Quarante-six des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe sont à ce jour liés par la convention, ainsi que le Bélarus et l’Israël, non-membres.