Dans un rapport au vitriol intitulé "Pornocriminalité : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique !", le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) dénonce « l’inaction collective » et exhorte les autorités à « sortir de l’aveuglement et du déni » notamment dans la lutte contre la pédopornographie en ligne et le contrôle de l'accès des mineurs aux sites pornographiques.

Un an après les travaux du Sénat (lire notre article), c'est au tour du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) de publier, le 27 septembre, un rapport choc sur l’industrie pornographique. « La France a l’obligation d’agir pour que la pornographie sorte de la zone de non-droit dans laquelle elle se place. C’est l’ambition de ce rapport : mettre fin à l’impunité de l’industrie pornographique », expliquent les auteurs du document qui dénonce « l’inaction collective » et souhaite que « la société et les autorités sortent de l’aveuglement ou du déni ».

Outre la pornographie, le HCE consacre une partie de son état des lieux à la lutte contre la pédopornographie en ligne. Et les rapporteurs d'alerter : « Notre étude dénombre également 1,3 million de vidéos pédopornographiques, qui sont des catégories très recherchées, avec des mots‑clés comme "papa", "écolière", "teen", " sœur et frère". Tandis que 165 000 enfants sont violés chaque année en France, ces vidéos banalisent et érotisent l’inceste et la pédocriminalité en faisant croire que l’enfant est en demande et souhaite être initié par l’adulte ».

Le Haut Conseil à l'égalité, présidé par Sylvie Pierre-Brossolette, a réalisé un « test inédit » de Pharos, la plateforme gouvernementale de signalement des contenus illicites sur internet. « Sur 35 vidéos signalées par le HCE entre le 2 et le 7 juin 2023, aucun des contenus à l’illégalité flagrante n’a disparu. Zéro résultat », déplorent les auteurs du rapport de plus de 200 pages remis officiellement, le 27 septembre, à Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes. « Malgré le caractère fondamental de sa mission de pouvoir bloquer sans délai les contenus pédopornographiques (comme les contenus terroristes), Pharos fait le choix incompréhensible d’une application bien trop restrictive, quasiment aux seul·es enfants prépubères. Il sera nécessaire de clarifier cette définition et les modalités de son application pour que cesse la prolifération de contenus pédopornographiques en ligne », insiste le HCE.

REPÈRE. La plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) permet aux internautes et aux acteurs d'Internet de signaler, via le portail www.internet-signalement.gouv.fr, les contenus illicites. Elle est notamment compétente pour recevoir les signalements d'atteintes aux mineurs (images de pédopornographie, propositions sexuelles à un mineur en utilisant un moyen de communication électronique, diffusion d'images violentes ou pornographiques susceptibles d'être vues par un mineur, etc.).

En application de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, Pharos a un pouvoir de police administrative. La plateforme peut donc présenter aux prestataires techniques d'Internet des demandes administratives visant notamment les contenus pédopornographiques qui lui sont signalés.

Il y a d'autant plus urgence à agir qu'en mai 2022, Ylva Johansson s’est déjà alarmée de l'explosion des contenus illicites sur Internet. La commissaire européenne aux Affaires intérieures a fait valoir qu’en 2021, dans le monde, 85 millions de vidéos et photos impliquant des abus sexuels sur mineurs ont été signalées (+ 6000 % en 10 ans) (lire notre article). Plus de 60 % de ces contenus sont hébergés sur des serveurs situés dans l’Union.

Lors de son audition par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU dans le cadre du 6e examen sur l'effectivité de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), en mai dernier, la France a été pointée du doigt par l'un des experts indépendants, comme étant l'un des principaux hébergeurs de sites pornographiques impliquant des mineurs en Europe (lire notre article). 

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