Auditionnés le 9 mai par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), Claire Hédon, La Défenseure des droits, et Eric Delemar, Défenseur des enfants, appellent "à un changement de culture radical".

Dans un communiqué en date du 10 mai, Claire Hédon liste les difficultés identifiées « de manière récurrente » dans les situations de violences sexuelles sur mineurs soumises au Défenseur des droits.

Concrètement dans les dossiers de dénonciation d’infraction sexuelle sur mineur dont l’institution est saisie, la Défenseure des droits dit constater « fréquemment » des enquêtes judiciaires « très succinctes » dans lesquelles ni les professionnels en contact quotidien avec le mineur ne sont sollicités ou entendus - comme les enseignants, éducateurs, ou professionnels du secteur médico-social, ni d’autres membres de la famille, du voisinage ou de l’entourage du mineur.

Un manque de partage d’informations entre les professionnels

Par ailleurs, les délais d’enquête observés dans certains dossiers ne permettent souvent pas une réponse adaptée. La Défenseure des droits constate, par exemple, « l’absence d’actes d’enquête », et ce, pendant plusieurs mois, doublés d’un délai de procédure trop long jusqu’au jugement de l’affaire. Des difficultés dans le traitement judiciaire aux conséquences lourdes puisque « l’issue de l’enquête pénale est déterminante pour les décisions qui interviendront sur la vie de l’enfant », insiste-t-elle.  Pour Claire Hédon, il existe encore trop souvent un manque de partage d’informations entre les professionnels intervenant dans l’intérêt de l’enfant et un fonctionnement "en silo" des différents acteurs, « sans coordination globale », déplore-t-elle.

Le recueil inadapté de la parole de l’enfant

A l'instar de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) dans son rapport intermédiaire publié fin mars, la Défenseure des droits souligne le caractère primordial de « la sensibilisation et la formation de l’ensemble des professionnels en lien avec les enfants au recueil de la parole de l’enfant ». Le communiqué rappelle que des rapports annuels du Défenseur des droits - l'un de 2019 "Enfant et violence : la part des institutions publiques" et l'autre de 2020 "Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour l’adulte " -  formulent des recommandations visant "à protéger l’enfant en permettant que sa parole soit écoutée et prise en compte dans des conditions satisfaisantes".

Faire primer l' intérêt supérieur de l'enfant sur toute autre considération

De plus, la Défenseure des droits regrette « la trop faible » mise en œuvre de la loi Aubry du 4 juillet 2001 qui prévoit qu’une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Selon elle, « l’éducation à la sexualité peut contribuer à aider un enfant ou un adolescent à mettre des mots sur le comportement déviant d’un adulte et à le dénoncer ».

« Il est urgent de faire cesser l’omerta sur ces violences par la mobilisation et le renforcement de la formation des professionnels en lien avec les enfants, y compris des médecins, dénonce Claire Hédon. Afin de créer les bonnes conditions de l’accueil et du recueil de la parole, la Défenseure des droits recommande la création d’espaces dédiés notamment dans les commissariats et les gendarmeries [telles que les salles Mélanie, adaptées à l'audition des mineurs victimes, ndlr] ainsi que dans les tribunaux, et « de favoriser l’évolution des pratiques et du droit ».

Et de conclure : « Les travaux de la Ciase [Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église, ndlr] et de la Ciivise, l’impact attendu sur le traitement judiciaire de ces situations, couplés à une écoute de la parole des enfants victimes, doivent conduire à un changement de culture radical permettant de faire primer leur intérêt supérieur sur toute autre considération dès les premiers soupçons de violence. »