Troubles psychiques sévères, diagnostics absents, soins inaccessibles : la santé mentale des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) se dégrade. Droit d’Enfance dénonce un système à bout de souffle où les jeunes comme les professionnels paient le prix du manque de moyens.
Dans des structures déjà fragilisées par la crise que traverse la protection de l’enfance, Droit d’Enfance constate une augmentation continue du nombre de jeunes souffrant de handicaps ou de troubles psychiques sévères. « Cette situation pèse d’abord sur les enfants, faute de solutions adaptées à leur prise en charge, mais aussi sur les professionnels, qui ne disposent pas des formations et des moyens adéquats pour y faire face », souligne la Fondation, dans un communiqué du 12 novembre.
La complexité des situations explose, tout comme la fatigue des équipes. « 75 % des professionnels indiquent souffrir d’un manque de préparation dans la prise en charge de ces publics », ajoute Droit d’Enfance.
Des bilans absents, des troubles ignorés
Les enfants confiés à l’ASE « représenteraient 50 % des jeunes hospitalisés en psychiatrie », rappelle la Fondation. Pourtant, beaucoup évoluent sans diagnostic ni accompagnement adapté. « De nombreux professionnels estiment qu’ils travaillent aux côtés d’enfants probablement porteurs de troubles ou de handicaps mais pour lesquels aucun diagnostic n’a été posé », précise Droit d’Enfance.
Le bilan de santé à l’entrée dans le dispositif de l'ASE « ne serait pas systématiquement réalisé dans un tiers des départements » et « il est très rarement accompagné d’une évaluation psychologique ». Ce retard dans la détection des troubles fragilise les parcours et accentue les crises dans les structures.
Des soins inaccessibles
Même lorsque le besoin est identifié, la réponse médicale reste insuffisante. « Le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 % entre 2010 et 2022 », rappelle la Fondation. Dans certains départements, « les temps d’attente peuvent atteindre plus de trois ans pour obtenir un rendez-vous en centre médico-psychologique ».
Les structures adaptées, telles que les DITEP, sont saturées. Les équipes éducatives, dépourvues de professionnels de santé, peinent à trouver des relais. « De nombreux établissements de protection de l’enfance n’intègrent aucun professionnel disposant d’une formation médicale ou paramédicale pour appuyer les équipes éducatives », déplore Droit d’Enfance.
Cinq leviers pour agir
Pour répondre à cette situation, la Fondation a réuni un groupe pluridisciplinaire composé d’éducateurs, de soignants et de cadres de terrain. Cinq propositions prioritaires ont émergé :
- « Réaliser un bilan de santé mentale en plus du bilan physique prévu pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. »
- « Intégrer au moins un professionnel médical ou paramédical dans chaque établissement de protection de l’enfance. »
- « Inclure dans la formation des professionnels un enseignement spécifique concernant l’accompagnement d’enfants suivant un traitement médical ou ayant des pathologies d’ordre psychologique. »
- « Créer une unité d’intervention médicale mobile dédiée aux enfants confiés à l’ASE dans chaque département. »
- « Établir dans chaque département une cartographie des établissements médico-sociaux et des professionnels de santé pouvant accompagner des enfants confiés. »
Un plaidoyer attendu en 2026
Ces propositions nourriront un document de plaidoyer que Droit d’Enfance publiera début 2026. Il s’appuiera sur une enquête menée auprès des acteurs de la protection de l’enfance afin de dresser un état des lieux complet et d’appeler à la mise en œuvre d’un plan d’urgence national.
« Les témoignages des professionnels recueillis par Droit d’Enfance dessinent les contours d’une situation critique qui nécessite la mise en œuvre de réponses urgentes », conclut la Fondation.
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