Formés, qualifiés, mais fragilisés : les jeunes Français de 2025 affrontent un emploi instable et un accès au logement toujours plus difficile. Le Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan pointe un « déclassement » bien réel, malgré des avancées sociales et salariales.

Les moins de 30 ans ne représentent plus aujourd’hui qu’un tiers de la population française, contre un sur deux en 1975 — près de deux millions de jeunes en moins. Une génération moins nombreuse, mais nettement plus diplômée : en 2023, plus d’un jeune sur deux âgé de 25 à 34 ans est diplômé de l’enseignement supérieur, contre un sur cinq en 1975.

Pourtant, cette réussite académique ne garantit plus un accès stable à l’emploi. « Les générations des années 1970 bénéficiaient d’une forte croissance et d’un chômage très faible. L’entrée dans la vie active des générations actuelles est marquée par des transitions plus fréquentes entre contrats courts et chômage », observe la note « Jeunesse d’hier et d’aujourd’hui : le grand déclassement », publiée le 21 octobre.

Emplois : instables malgré les qualifications

En 2025, 35 % des jeunes de moins de 25 ans travaillent, mais seuls 43 % d’entre eux occupent un poste stable (CDI ou fonction publique), contre 75 % en 1982. Le contraste est saisissant : les générations précédentes entraient sur un marché du travail en expansion, aujourd’hui remplacé par un univers de contrats courts, d’intérim et de reconversions successives.

Derrière la massification de l’enseignement supérieur, la réalité de l’insertion professionnelle s’est fragilisée. En 2021, 36 % des titulaires du baccalauréat occupaient un poste peu qualifié, contre 11 % au début des années 1980. Le diplôme protège moins, et l’écart entre formation et emploi réel s’élargit. Une précarité qui touche particulièrement les jeunes femmes.

« La valeur professionnelle du diplôme s’est dégradée au fil du temps : une bonne part du malaise des jeunes réside là », souligne Clément Beaune, haut-commissaire à la Stratégie et au Plan.

Salaires : plus élevés au départ, mais relatifs

Les jeunes gagnent davantage qu’il y a cinquante ans au début de leur carrière — entre 11 et 13 % de plus sur les dix premières années. Mais leur position relative s’est affaiblie : en 2019, le revenu moyen des 30-34 ans, net des prélèvements, restait inférieur de 13 % à celui des 50-54 ans, alors qu’en 1979 il leur était supérieur de 9 %.

« On travaille dur et on gagne plus qu’avant, mais on est moins bien positionnés que nos parents à âge égal », note le Haut-Commissariat. Ces écarts pèsent sur la capacité à épargner, à se loger ou à financer des études complémentaires.

« Le déclassement n’est pas juste un sentiment. Les racines sont profondes »

Logement : un effort qui s’allonge

Accéder à la propriété reste, pour les jeunes de 2025, un défi aussi coûteux que symbolique. Comme le rappelle Clément Beaune, « Pour acquérir le même logement, avec le même taux d’effort et le même apport, là où il fallait dix ans de remboursement en 1975, il en faut vingt-trois en 2025… » La pierre, jadis synonyme d’ascension sociale, s’éloigne.

Même les locataires subissent une pression croissante : les loyers grimpent, la tension foncière s’accentue, et la dépendance à l’aide familiale devient structurelle. L’autonomie résidentielle, autrefois passage obligé vers la vie adulte, se retarde. Entre 1973 et 2013, la part des 18-24 ans vivant chez leurs parents est passée de 59 % à 65 %, celle des 25-29 ans de 14 % à 21 %.

Ceux qui bénéficient d’un appui familial — aide à la caution, donation, rachat d’un bien — s’en sortent mieux. Les autres voient s’accumuler les obstacles.

Une fragilité générationnelle

Mais cette vulnérabilité dépasse largement la question du logement. Pour Clément Beaune, haut-commissaire à la Stratégie et au Plan, « le déclassement n’est pas juste un sentiment. Les racines sont profondes ». L’instabilité ne se limite plus à la sphère économique : elle traverse aussi les parcours familiaux, sociaux et personnels.

Les trajectoires conjugales se font plus heurtées, les familles monoparentales plus nombreuses, et l’émancipation vis-à-vis des parents arrive plus tard. Une fragilité diffuse s’installe, qui dépasse le cadre économique : elle touche à la fois le travail, le logement, les liens sociaux et même la perception de l’avenir. « Tout se passe comme si une forme de fragilité avait contaminé toutes les sphères, de la plus proche à la plus extérieure… La jeunesse n’est plus insouciante », résume Clément Beaune.

Diplômes en poche, salaires en hausse, mais avenir suspendu : les jeunes de 2025 avancent sur un sol mouvant. Et Clément Beaune de conclure : « Il existe bel et bien un déclassement de la jeunesse sur certaines dimensions. Mais si l’on regarde vers l’avenir, rien n’interdit d’espérer : le pire n’est pas certain. »