«Il faut maintenir la Ciivise. La fermer, c’est dire aux victimes : "On vous a assez entendues" ». Dans une tribune publiée le 7 septembre dans « Le Monde », une soixantaine de personnalités, dont Emmanuelle Béart, Anna Mouglalis, Giulia Foïs, Éric Cantonna ou Vanessa Springora et Camille Kouchner, appellent Emmanuel Macron à « maintenir » la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

Créée en 2021 par le gouvernement suite à la publication du livre-choc sur l'inceste, La Familia grande de Camille Kouchner et du mouvement #MeToo, cette commission a publié déjà plusieurs rapports intermédiaires qui analysent les témoignages de victimes d’inceste et formulent des recommandations pour mieux protéger les mineurs. La Ciivise rendra son rapport final le 20 novembre et est censée disparaître le 31 décembre 2023.

"Le coût du maintien de cette commission est dérisoire face au coût du déni"

En deux ans, « 25 000 témoignages ont été recueillis par la Ciivise », qui organise des réunions publiques dans toute la France, dont les prochaines auront lieu le 14 septembre à Grenoble et le 21 septembre à Paris. « Aujourd’hui, trois à cinq enfants par classe sont victimes d’inceste et condamnés au silence. Cette commission a révélé l’ampleur insoutenable des violences sexuelles faites aux enfants. Elle a aussi révélé que la sortie du silence est longue, très longue », poursuit la tribune.

Les signataires estiment que « les deux années d’existence de la commission ne sauraient suffire ». « Le coût du maintien de cette commission est dérisoire face au coût du déni », écrivent-ils. Les signataires font ici référence à l’expression "coût du déni" utilisée par la Ciivise, dans son avis du 12 juin 2023, concernant le coût financier des violences sexuelles sur les mineurs estimé à près de 10 milliards d’euros par an (lire notre article).

Dans un documentaire qui sera diffusé le 24 septembre sur M6 à 23h10, l'actrice Emmanuelle Béart révèle avoir été victime d’inceste durant son adolescence, et donne la parole à quatre victimes. « Entre la publication de La Familia grande et Un silence si bruyant, le documentaire d’Emmanuelle Béart et d’Anastasia Mikova, [...], près de trois années se sont écoulées. En deux ans seulement, depuis le 21 septembre 2021, 25 000 témoignages ont été recueillis par la Ciivise », souligne le collectif.

Dans son dernier rapport, le 12 juin, la Ciivise avait demandé une extension de sa durée de vie, pour « pour continuer de lutter contre l’invisibilisation des enfants victimes, lutter contre l’impunité des agresseurs, et promouvoir une culture de la protection ».

Le 7 septembre, le juge Édouard Durand, co-président de la Ciivise déplore, dans une interview accordée, au magazine Causette, l'absence de réponse du gouvernement à ce point. « J’ai demandé institutionnellement et publiquement dans l’avis du 12 juin 2023 le maintien de la Ciivise parce qu’on ne peut pas éteindre la lumière, on ne peut pas fermer cet espace qui répond à un besoin personnel pour les victimes, mais aussi à un besoin collectif pour la société et donc un besoin politique. Aujourd’hui, je suis inquiet, car je n’ai aucune réponse à mes demandes. Même pas d’accusé de réception. Je n’ai aucune réponse institutionnelle et publique sur le maintien de la Ciivise ».

"La Ciivise doit exister"

Une pétition en ligne a été lancée, le 12 juin, par l'association Be Brave France, membre de la Ciivise pour demander au président de la République un mandat permanent pour la Commission indépendante sur l'inceste. Elle a recueilli, au 7 septembre, 16 489 signatures. "Tant que chaque année, 160 000 enfants subiront des violences sexuelles en France et que notre système sera incapable de les protéger, leur rendre justice et leur fournir gratuitement des soins adaptés, la Ciivise doit exister", insiste l'association.