Partir à 17 ans ou rester jusqu’à 26 ans ? Derrière ces écarts se joue bien plus qu’une affaire de génération. L’Insee montre que le lieu où l’on grandit – rural ou urbain dense – détermine largement le tempo de l’indépendance des jeunes.

À la campagne, les jeunes quittent plus tôt le toit familial. Dans son étude publiée le 4 septembre, l’Insee constate que « les jeunes ayant grandi en zone rurale quittent le domicile familial plus tôt que les jeunes urbains, notamment pour poursuivre leurs études en se rapprochant des établissements scolaires. » Dès 17 ans, « 25 % des jeunes ruraux ont déjà décohabité, contre 4 % de ceux vivant en zone urbaine dense. »

Cette avance s’accentue avec l’âge : « parmi les jeunes issus d’une commune rurale, 62 % ont déjà quitté le domicile parental à 19 ans, contre 26 % des jeunes issus d’une zone urbaine dense. » L’éloignement des lycées joue ici un rôle décisif. L’institut rappelle qu’« environ un jeune sur six (16 %) décohabite durant ses études secondaires », mais que « cette part atteint 28 % » dans les territoires ruraux, contre « 6 % en zone urbaine dense. »

Ces départs précoces sont souvent liés aux filières professionnelles. L’Insee souligne ainsi que « 54 % de ceux qui ont quitté le domicile parental pendant le secondaire suivent une formation professionnelle, contre 36 % parmi ceux qui vivent encore chez leurs parents. »

Les études comme moteur d’indépendance

Un deuxième cap s’observe à l’entrée dans l’enseignement supérieur. L’institut note qu’« un jeune sur cinq quitte le domicile parental à ce moment-là : c’est le cas de 12 % des jeunes dont aucun des parents n’a le bac, mais de 34 % de ceux dont au moins un des parents est diplômé du supérieur. »

Les contrastes territoriaux demeurent marqués. « Les jeunes ayant grandi en zone urbaine dense quittent deux fois moins souvent le domicile parental lors du passage dans le supérieur (13 % contre 26 % pour les jeunes issus de communes rurales). » Quand les citadins profitent de la proximité des campus pour rester chez leurs parents, les ruraux sont contraints de migrer vers les pôles universitaires.

Quitter, revenir, recommencer

Mais l’indépendance n’est pas toujours définitive. L’Insee observe que « 51 % des jeunes ruraux sont revenus au domicile parental au moins une fois avant 27 ans, contre 40 % des jeunes urbains denses. » L’autonomie se construit alors par étapes, au gré des aléas scolaires, financiers ou professionnels.

Certains, d’ailleurs, ne quittent jamais la maison familiale. L’étude indique qu’« 10 % des jeunes n’ont jamais décohabité du domicile parental à 26 ans » — une proportion qui grimpe à « un sur six (17 % contre 10 % en moyenne) en zone urbaine dense. »

Ces cohabitations prolongées recouvrent deux réalités. Elles peuvent être subies : « 26 % des jeunes de 26 ans n’ayant jamais quitté le domicile parental ne sont ni en emploi ni en études, contre 13 % de ceux qui ont déjà décohabité. » Mais elles peuvent aussi relever d’un choix. Dans les grandes villes, l’Insee constate ainsi que « 37 % des jeunes de 26 ans n’ayant jamais décohabité en zone urbaine dense sont titulaires d’un diplôme du supérieur, contre 18 % chez l’ensemble des jeunes décohabitants. »

Deux jeunesses face à l’indépendance

Deux jeunesses avancent à des rythmes différents. À la campagne, les jeunes quittent plus tôt le domicile parental, souvent contraints par l’éloignement des établissements, mais y reviennent régulièrement. En ville, au contraire, la cohabitation se prolonge, entre pressions économiques et stratégies d’études.

La décohabitation ne peut donc pas être réduite à un simple rite de passage. Elle fonctionne comme un révélateur des fractures sociales et territoriales, rappelant que l’accès à l’indépendance dépend autant de la géographie que de l’origine sociale.