70 ans après l’appel de l’Abbé Pierre, la Fondation qui porte son nom alerte sur la « bombe sociale » du logement qui a explosé en 2023 dans son rapport annuel sur le mal-logement.

« L'année 2023 restera celle de l'aggravation alarmante de la crise du logement, et face à cela le gouvernement continue une politique d'austérité et face à cela le gouvernement continue une politique d'austérité, ce qui est pour nous une erreur fondamentale», alerte Christophe Robert, le délégué général de la Fondation abbé Pierre, au cours d'une conférence de presse.

En France, en 2023, 4,2 millions de personnes souffrent de mal-logement ou d'absence de logement personnel, selon le 29ème rapport de 333 pages, rendu public le 1er février.

La Fondation Abbé-Pierre estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile fixe dans le pays, une population qui a « plus que doublé depuis 2012 ». Elle pointe du doigt une hausse « intolérable » du nombre d'enfants à la rue : chaque soir en octobre 2023, on comptait plus de 2 800 demandes non pourvues d'hébergement pour des enfants, contre 1 700 en 2022 et 920 en 2020.

La pénurie d’offre d’hébergement malgré l’augmentation du nombre de places (maintenu à 203 000 en 2023 puis gelé à ce niveau dans le budget 2024), conduit à « hiérarchiser la misère » et parfois à « organiser la rotation dans les structures d’hébergement », critiquent les auteurs du rapport. Fin 2023, dans la Métropole de Lyon, plus de 300 enfants n’ont pas d’abri : +40 % par rapport à l’an dernier et + 240 % par rapport à il y a deux ans d’après le collectif Jamais Sans Toit qui organise des occupations d’écoles depuis 10 ans. Plus d’une centaine d’élèves dorment dans des écoles avec leurs familles, accueillies par les enseignants et les parents d’élèves. Deux campements abritent environ 250 mineurs non accompagnés (MNA), indique le rapport.

La Fondation Abbé Pierre observe une même saturation de l’hébergement dans la Métropole de Saint-Étienne, « pourtant moins tendue ». Au cours de la première semaine du mois de novembre 2023, 274 ménages distincts ont sollicité au moins une fois le 115 ; 95 % n’ont pas reçu de réponse positive et parmi elles, 31 familles avec 73 enfants. Entre 8 et 10 écoles sont mobilisées pour héberger des enfants et leurs parents dans leurs locaux, mais aussi à l’hôtel ou dans des logements dont les loyers sont couverts par des caisses de solidarité. 150 mineurs ou majeurs sont sans abri à Saint-Étienne.

« La tendance n’est pas bonne : il y avait 920 demandes d’hébergement émanant d’enfants non pourvues chaque soir à l’automne 2020, 1 700 en 2022 et plus de 2 800 en octobre 2023 », constate la Fondation. À Paris, 1 500 demandes quotidiennes ne sont pas pourvues faute de place dont 1 100 personnes en famille. En Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de l’Hexagone, le 115 « "enregistre" chaque jour entre 30 et 40 femmes enceintes, laissées sans solution faute de place.

« La liste est longue des actions urgentes à mener de la part d’un gouvernement qui voudrait faire reculer le mal-logement : relancer le financement du logement social, revaloriser les APL, rehausser les minima sociaux, soutenir le travail social, généraliser l’encadrement des loyers, ériger en priorité nationale que plus personne ne dorme à la rue, en prenant appui sur la philosophie du Logement d’abord… », insiste la Fondation.

Début janvier, le gouvernement a annoncé l’engagement de 120 millions d’euros supplémentaires pour renforcer le système d’hébergement d’urgence. Mais en l’absence de ministre du Logement, les responsables de la Fondation Abbé Pierre estiment difficile d’anticiper la mise en place de ce financement.