A l'approche de la Journée nationale des aidants, le 6 octobre, l'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis) publie une enquête « alarmante » sur le quotidien des parents d'enfants en situation de handicap, contraints d'endosser le rôle d'« aidants à vie » faute d'un accompagnement adapté et de qualité pour leur enfant.

Ils sont 3 940 parents (dont 80% de femmes) d' un enfant avec des troubles du neurodéveloppement, en situation de polyhandicap ou de handicap psychique à avoir répondu à l'étude "La voix des parents", menée par l'Unapei avec Planète publique, du 28 janvier au 24 mai 2023. Près de 4000 à témoigner de l'impact de leur rôle d'aidant sur leur quotidien, leur état de santé physique, leur moral, leur vie personnelle et professionnelle. « On se questionne constamment : qu’est-ce qui est le mieux pour mon enfant ? Comment savoir s’il va bien ? Mes choix sont-ils les bons ? C’est une grande responsabilité et le corps encaisse beaucoup. Chercher un relais : c’est la quête du Graal ! », explique Marie.

Selon l'enquête, 43% des parents d’enfants en situation de handicap se sentent heureux, contre 68% des parents interrogés dans la population générale. Et 74 % des parents interrogés ont le sentiment de ne pas être libres de choisir comment vivre leur vie. Ils sont 41 % à travailler à temps partiel, « souvent par manque de solution pour une prise en charge de leur proche ». Faute de solution pour une prise en charge de leur proche, les parents sont contraints de freiner leur vie professionnelle et de devenir les aidants à vie de leur enfant. 59% des répondants indiquent que davantage de solutions d’accompagnement leur permettrait de disposer de plus de temps pour eux.

« La crise de la filière médico-sociale renforce le sentiment d'isolement des parents et leurs inquiétudes pour l'avenir », notent les auteurs de l'enquête. Ainsi, 95 % des parents d'enfants handicapés interrogés appréhendent l'avenir de leur enfant lorsqu'ils ne seront plus là, ce qui souligne « le manque de solution d’accompagnement, la pénurie de professionnels, l’absence de solutions de répit/relais ». Sorya et Mohamed témoignent : « La seule chose qui m'empêche de dormir tranquillement est l'avenir de ma fille. Au fil des années, les parents peuvent perdre en capacité. On se demande alors : serai-je à même d'assurer son accompagnement ? Lutter constamment pour trouver une place peut aussi créer des tensions dans la famille ».

« Ces parents veulent juste pouvoir disposer d’une vie, d’avoir le droit d’être "juste parents" comme tout citoyen », insiste Luc Gateau, président de l’Unapei.

« Accompagner une personne avec des troubles du neurodéveloppement, polyhandicap ou handicap psychique, se décline tout au long d’une vie. Les parents demandent avant tout des accompagnements pour leur proche. Ils avancent également des propositions que chacun de nous se doit d’écouter : garantir des compensations, une simplification des démarches administratives, un meilleur accès à la santé, des possibilités de souffler… En somme, ces parents veulent juste pouvoir disposer d’une vie, d’avoir le droit d’être « juste parents » comme tout citoyen » insiste Luc Gateau, président de l’Unapei, qui rassemble 900 000 personnes handicapées, familles, amis, professionnels et bénévoles.

Au regard des résultats de cette enquête, le mouvement associatif formule 21 propositions et appelle les pouvoirs publics à « développer des réponses calibrées quantitativement et qualitativement » pour que la vie des parents « ne se réduise pas aux retentissements du handicap ». « De nombreux parents endossent un rôle d’aidant à plein temps pour pallier les manquements de la solidarité nationale. Afin de leur permettre de choisir leur vie, il est nécessaire de développer des réponses calibrées quantitativement et qualitativement », insiste l'Unapei.

L' association de défense des droits des personnes en situation de handicap intellectuel et cognitif juge que la situation de ces familles se détériore d'année en année. « Ces parents ont besoin avant tout d'accompagnements de qualité, pour répondre aux besoins et attentes de leur proche en situation de handicap, et des solutions de relais pour eux-mêmes, ainsi que des prestations et des soutiens juridiques et administratifs », pour accompagner ces familles aidantes dans leurs démarches, martèle l'Unapei, en conclusion de son étude. 

« L’enquête "La Voix des Parents" confirme que la vie des parents d’enfants en situation de handicap ne ressemble à aucune autre. [...] Mais elle retrace, à travers leurs témoignages, la force de ces parents, leur volonté de vivre leur vie malgré les obstacles, leur fierté de vivre aux cotés d’une personne en situation de handicap », souligne l'Unapei en guise d'hommage à l'approche de la journée nationale des aidants le 6 octobre.

L'inflation, l'obstacle supplémentaire

Selon l'étude de l'Unapei, l'inflation a poussé 11 % des parents à renoncer à des déplacements pour l'accompagnement de leurs enfants en situation de handicap. De même, 20 % des parents déclarent renoncer à des activités réalisées par leurs enfants.« La possibilité́de partir en vacances est également remise en question par certains. On le voit bien : l’inflation renforce le sentiment de restriction financière, qui s’ajoutent à un quotidien déjà complexe » explique Nadine Maudet, secrétaire générale de l’Unapei.

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