Une étude française identifie les facteurs maternels, prénatals et postnatals indépendants associés à une maltraitance physique infantile précoce (MPI), c'est-à-dire avant l'âge d'un an de l'enfant.

Les Ă©quipes du service de pĂ©diatrie gĂ©nĂ©rale et maladies infectieuses de l’hĂ´pital Necker-Enfants malades AP-HP, UniversitĂ© Paris CitĂ©, de l’Inserm, du groupement d’intĂ©rĂŞt scientifique EPI-PHARE (ANSM/Cnam) et du CHU de Nantes ont identifiĂ© les facteurs maternels avant et après la naissance qui sont associĂ©s Ă  la maltraitance physique infantile prĂ©coce (MPI). « La maltraitance physique infantile est dĂ©finie comme l’usage intentionnel de la force physique envers un enfant, notamment le fait de le frapper, l’étouffer ou encore le secouer. Une MPI prĂ©coce (c’est-Ă -dire avant l’âge de 1 an) est responsable de consĂ©quences Ă  long terme, notamment des troubles du dĂ©veloppement neurologique, des troubles mentaux et des maladies somatiques Â», rappellent l’Inserm et l’AP-HP dans un communiquĂ© commun.

PubliĂ©e le 15 mai dans la revue Lancet Regional Health- Europe, cette Ă©tude française de cohorte Ă  l'Ă©chelle nationale, coordonnĂ©e par la sage-femme et post-doctorante en Ă©pidĂ©miologie Flora Blangis et le professeur Martin Chalumeau Ă©pidĂ©miologiste Ă  l'Inserm et chef du service de pĂ©diatrie gĂ©nĂ©rale Ă  l'hĂ´pital Necker a mis en lumière ces facteurs de risque en analysant les donnĂ©es du registre national Mère-Enfant EPI-MERES  [construit Ă  partir du Système national des donnĂ©es de santĂ© Â» (SNDS) ] incluant les nourrissons nĂ©s en France entre 2010 et 2019.

Parmi les 6 897 384 nourrissons inclus, 2 994 d’entre eux ont eu un diagnostic de MPI précoce, à un âge médian de 4 mois. Les facteurs indépendants les plus fortement associés à la MPI précoce étaient chez les mères :

  • de faibles ressources financières ;
  • un âge infĂ©rieur Ă  20 ans ;
  • un trouble de l’usage de l’alcool ;
  • un trouble de l’usage des opiacĂ©s ;
  • ĂŞtre victime de violences conjugales ;
  • souffrir d’une pathologie psychiatrique chronique ou d’une pathologie somatique chronique ;
  • une hospitalisation en psychiatrie juste avant, pendant ou après de la grossesse. « L'association entre la MPI prĂ©coce et les troubles mentaux maternels a Ă©galement Ă©tĂ© confirmĂ©e. Cependant, des recherches supplĂ©mentaires sont nĂ©cessaires pour explorer le rĂ´le potentiel des mĂ©dicaments psychotropes sur le comportement postnatal », observe l'Ă©tude.

Flora Blangis précise à BFMTV que ces facteurs ont été étudiés un an avant la grossesse, pendant la grossesse et un an après la grossesse.

Chez le nourrisson, on retrouve :

  • une grande prĂ©maturitĂ© ;
  • un diagnostic de pathologie neurologique chronique sĂ©vère. L’étude explique que les hospitalisations Ă  rĂ©pĂ©tition peuvent ĂŞtre une source de plus grand stress pour les enfants, et par extension synonymes de violences.

Faute de données, les facteurs paternels et la relation de causalité entre les facteurs identifiés et la MPI n’ont pas été explorés.

La maltraitance physique infantile (MPI) précoce (c'est-à-dire avant l'âge d'un an) est associée à une morbidité et une mortalité importantes. « L’incidence maximale de maltraitance précoce survient entre l’âge de 1 et 7 mois », précise Flora Blangis, sage-femme et post-doctorante en épidémiologie. Les principales lésions de MPI précoce sont les lésions cutanées, les lésions squelettiques et les lésions intracrâniennes. Chez les survivants, une MPI précoce est responsable de conséquences à long terme, notamment des troubles du développement neurologique, de troubles mentaux, et les maladies somatiques.

Développer des programmes de prévention efficaces

L'identification des facteurs de risque de la MPI précoce peut aider à comprendre ses mécanismes et à définir des interventions préventives efficaces.

« Les facteurs de risque maternels, prĂ©nataux et postnataux indĂ©pendamment associĂ©s Ă  la maltraitance physique infantile prĂ©coce identifiĂ©s pour la première fois au niveau national en France favoriseront une meilleure comprĂ©hension des mĂ©canismes de la maltraitance physique infantile et le dĂ©veloppement de programmes de prĂ©vention efficaces. Cela inclut la crĂ©ation d’outils de stratification du risque, permettant ainsi l’allocation des ressources aux parents qui pourraient en avoir le plus besoin Â», souligne le Pr Martin Chalumeau.

Selon des prĂ©cĂ©dents travaux citĂ©s par l’Inserm en 2021, la maltraitance physique concerne 4% Ă  16% des enfants âgĂ©s de moins de 18 ans dans les pays dĂ©veloppĂ©s et environ un tiers des diagnostics de maltraitance physique sont posĂ©s avec retard. En France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ou de proches, selon un rapport Ă©laborĂ© en 2019 par les inspections gĂ©nĂ©rales des affaires sociales (IGAS), de la justice (IGJ) et de l’éducation (IGAENR).


Lire aussi

Maltraitance physique chez l’enfant : l’Académie de médecine recommande d’intégrer un temps de pédopsychiatrie aux UAPED
L’ AcadĂ©mie de mĂ©decine formule une sĂ©rie de recommandations pour Â« amĂ©liorer le repĂ©rage, le diagnostic et la prise en charge » dans le secteur de la santĂ© de la maltraitance physique de l’enfant.