Olivia Paul, enseignante-chercheure à l'INSPE de Bretagne, université de Bretagne Occidentale et Nathalie Savard, enseignante-chercheure en psychologie, université Paris-Est Créteil (UPEC-LIRTES) mènent une étude sur le vécu, à long terme, de l'exposition à la violence conjugale. Via un questionnaire en ligne sur "les relations familiales en contexte de violences ou non" d'une durée environ de 20 minutes, les deux universitaires souhaitent recueillir le point de vue d'adultes ayant été exposés aux violences conjugales durant l'enfance. Il sera comparé à celui de personnes n'ayant pas vécu ce type de violences durant l'enfance. Les participants à l'étude doivent être âgés de 18 ans et + et avoir vécu en couple une fois. Toutes les données récoltées sont anonymes et seront traitées de manière strictement confidentielle.

Trois questions à Olivia Paul, enseignante-chercheure, INSPE de Bretagne -  Université de Bretagne Occidentale

Olivia Paul, enseignante-chercheure à l'INSPE de Bretagne - Université de Bretagne Occidentale

Où en est la connaissance de l’impact des violences conjugales sur les enfants victimes ?

Olivia Paul : Depuis 30/40 ans, on compte de nombreux travaux à l’international qui documentent les effets de l’exposition aux violences conjugales. Ces travaux sont, dans la grande majorité, nord-américains avec donc un contexte différent du contexte français.  Il y a quelques travaux universitaires français [parmi lesquels notamment ceux d’Olivia Paul, de Nathalie Savard, de Chantal Zaouche Gaudron, Andreea Gruev-Vintilla, Nadège Severac, Karen Sadlier, Claire Metz, ndlr]. Nous savons que l’exposition à la violence conjugale a un effet aussi important sur l’enfant que des maltraitances directes. Mais nous manquons aujourd’hui d’éléments sur l’aspect longitudinal, sur les effets à long terme de l'exposition à la violence conjugale durant l'enfance. Comment évoluent ces difficultés dans le temps ? Sur ce point, nous sommes encore aveugles.

Quels sont les angles traités par le questionnaire de votre enquête ?

O.P : Nous essayons d’avoir un regard sur le parcours scolaire et sur l’insertion des participants. Nous allons recueillir des informations sur le type de violences rencontrées, sur les attitudes des parents envers l’enfant (devenu adulte), sur leur propre parentalité, les difficultés rencontrées et leurs relations de couple. Nous espérons prolonger l’étude par une démarche qualitative en faisant passer des entretiens afin d"explorer des dimensions plus spécifiques auprès de personnes volontaires. Les données recueillies permettront d'avoir, pour la première fois en France, des informations sur l'exposition aux violences conjugales de manière rétrospective. Une première publication des résultats de l'étude aura lieu en 2024 avec un article dans une revue qui traitera de la maltraitance.

Vos travaux vont donner lieu à des recommandations sur la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales. A qui seront-elles destinées ?

O.P : Beaucoup de recommandations ont été adressées aux pouvoirs publics mais pour le moment nous ne voyons pas de prises en charge se mettre en place.  Si les pouvoirs publics engagent des temps de décisions sur les violences conjugales, les chercheurs sont très peu sollicités sur ces questions-là. Notre idée est d’aller du côté des professionnels pour les soutenir dans les pratiques à mettre en place dans l'accompagnement des enfants victimes. A qui incombe la responsabilité de l’enfant exposé aux violences conjugales ? A la protection de l’enfance ? Aux associations et structures qui accompagnent les femmes victimes ? Il y a aujourd’hui une hétérogénéité des pratiques parce qu’ il n’y a pas de réel cadrage sur la prise en charge des enfants exposés.