Le député réunionnais Perceval Gaillard (LFI), avec le soutien de l’association EPA et du collectif Stop VIF, demande à la ministre Catherine Vautrin le déploiement « sans délai » de l’attestation d’honorabilité, estimant la situation de l’enfance sur l’île « alarmante ».
Dans un courrier daté du 14 août 2025, Perceval Gaillard a saisi officiellement la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. L'élu réclame l’élargissement de ce dispositif aux professionnels intervenant auprès des enfants sur le territoire.
Cette initiative fait suite à une lettre ouverte envoyée le 8 août aux parlementaires réunionnais par Stop VIF, EPA (Écoute-Moi Protège-Moi Aide-Moi) et le mouvement Protégeons nos enfants. Dans ce document, les signataires rappellent que « 29 départements de France métropolitaine ont la possibilité d’expérimenter un dispositif essentiel pour la protection de l’enfance : l’attestation d’honorabilité pour les professionnels et bénévoles travaillant au contact des enfants ».
Ils alertent sur la gravité de la situation dans l’île : « À La Réunion, où les chiffres et la réalité des violences subies par nos enfants sont alarmants, nous ne pouvons plus attendre. Les faits récents, notamment les soupçons d’agressions sexuelles sur des bébés dans une crèche, viennent rappeler avec force l’urgence d’agir ».
Les associations mettent en avant l’importance de ce dispositif, qui garantit qu’aucune personne encadrant des enfants, dans un cadre professionnel, associatif ou bénévole, ne présente de condamnation incompatible avec ces missions. Elles rappellent aussi que, contrairement au casier judiciaire B3 limité, l’attestation d’honorabilité prend en compte toutes les informations issues du fichier judiciaire national automatisé.
« La Réunion enregistre le plus fort taux de placements par ordonnance provisoire »
Une situation locale préoccupante
Dans son courrier, le député Perceval Gaillard relève la hausse continue des signalements : 6 296 informations préoccupantes en 2024 et une projection de 7 341 pour 2025. Le nombre d’ordonnances de placement provisoire devrait également augmenter, passant de 4 082 en 2024 à 4 253 en 2025. Selon les signataires, « La Réunion enregistre le plus fort taux de placements par ordonnance provisoire, ce qui illustre la gravité de la situation locale ».
Ils rappellent que le dispositif a été inauguré dans six départements pilotes en septembre 2024, puis étendu à 23 autres le 31 mars 2025. Une généralisation à l’ensemble du territoire est prévue au second semestre 2025.« La Réunion doit être intégrée sans délai à la liste des départements autorisés à mettre en place l’attestation d’honorabilité », exigent l’association EPA et le collectif Stop VIF.
Un appel aux élus locaux
Les deux organisations exhortent aussi les parlementaires réunionnais à agir. « Face à l’ampleur des violences sexuelles et physiques subies par nos enfants, il est de votre responsabilité de défendre cette mesure auprès du Gouvernement et au Parlement », affirment-elles.
Dans son rapport publié le 8 avril dernier, la commission d’enquête parlementaire sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance épingle la mise en place de l’attestation d’honorabilité, jugée insuffisante et inégalement appliquée. À terme, environ deux millions de professionnels et bénévoles devront s’y soumettre.
Pendant longtemps, les vérifications se sont appuyées sur le seul bulletin n°2 du casier judiciaire, document incomplet qui permettait à certaines personnes condamnées de continuer à travailler auprès d’enfants. « Des défaillances nombreuses [sont constatées], au mépris du droit et de la sécurité des enfants », déplore la rapporteure Isabelle Santiago. Pour combler ces failles, le décret du 28 juin 2024 a instauré l’attestation d’honorabilité. Ce dispositif, fondé sur un double contrôle du casier judiciaire et du fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), devait uniformiser les pratiques et sécuriser les recrutements.
Quelques mois après le lancement de la plateforme honorabilité.social.gouv.fr, les premières statistiques dressent un bilan mitigé. Au 31 mars 2025, plus de 93 000 demandes d’attestation avaient été enregistrées, selon le cabinet de la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin. Mais 435 personnes se sont vues refuser le précieux document, dont 20 en raison d’infractions inscrites au FIJAISV. Si ces refus prouvent l’utilité du dispositif, ils révèlent aussi la fragilité d’un système qui tarde encore à se généraliser. En effet, sur le terrain, l’application reste inégale. « Sa mise en œuvre est encore incomplète et demeure inégale selon les départements », observe la commission, qui dénonce « une publication très tardive, une mise en œuvre qui n’est toujours pas généralisée ». Résultat : selon leur lieu de résidence, les enfants ne bénéficient pas du même niveau de protection. Le rapport parlementaire pointe également l’absence de suivi dans le temps. L’agrément des assistantes familiales, par exemple, n’est vérifié qu’à l’entrée dans la profession, sans contrôle ultérieur. La commission demande la création d’une base nationale des agréments des assistants familiaux et maternels, afin d’harmoniser le suivi et d’éviter les failles administratives.
Autre exigence forte : élargir le dispositif aux personnes aujourd’hui exclues du champ de contrôle, en particulier les tiers dignes de confiance, les accueillants bénévoles et les membres du foyer, qui peuvent accueillir un enfant sans qu’aucune vérification judiciaire ne soit menée. Ainsi, l’absence de contrôle des antécédents judiciaires des tiers dignes de confiance inquiète la commission, inquiète la commission, un point jugé « particulièrement problématique ». Cet oubli fragilise, selon elle, la protection d’enfants déjà vulnérables, lorsque le placement est décidé sans vérification préalable ni suivi régulier dans le temps. Ces adultes, souvent des proches, peuvent être désignés par un juge pour accueillir un mineur sans agrément ni formation spécifique. Fin 2023, 14 763 enfants étaient ainsi confiés à un tiers, soit 8 % des mineurs suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE), et 86 % des placements directs décidés par un juge relevaient de ce dispositif. Cette pratique est particulièrement répandue en Outre-mer. Lors d’une rencontre organisée à La Réunion, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) a rappelé que, contrairement à la métropole, l’accueil par un proche y est plus développé.
En conclusion, les parlementaires considèrent que seule une mise en œuvre rapide, élargie et continue de l’attestation d’honorabilité permettra de garantir à tous les enfants la même sécurité, quel que soit leur lieu de vie.
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