Le collectif Justice des enfants réclame la mise en œuvre d’ « un plan d’urgence humain et budgétaire », impliquant l’ensemble des acteurs.

« Il est urgent de redonner à la protection de l’enfance les moyens de lui permettre d’exécuter sa mission », alerte le Collectif Justice des enfants. La crise de la protection de l'enfance prend une tournure tragique depuis le début de l'année 2024 avec « la mort de la jeune Lily, 15 ans, retrouvée pendue dans sa chambre d’hôtel le 25 janvier 2024 dans le Puy de Dôme ; celle de la jeune Myriam, 14 ans, retrouvée morte dans un appartement en Seine-et-Marne le 25 février dernier, lors d’une fugue de son foyer alors qu’elle était placée à l’aide sociale à l’enfance », rappelle le communiqué publié le 8 mars. « Ces décès font écho à celui du jeune mineur isolé de 17 ans, qui avait été poignardé à mort par un autre jeune, dans un hôtel des Hauts-de-Seine où il était placé, en décembre 2019 », poursuivent les organisations signataires.* Pour rappel, ce décès est à l'origine de la décision de l'État d'interdire l'accueil en hôtel des enfants protégés.

Le collectif Justice des Enfants réunit les principales organisations professionnelles de l’enfance du monde judiciaire et associatif : La Ligue des Droits de l’Homme, le Conseil National des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Barreau de PARIS, le SNPES PJJ/FSU, la CGT, la FSU, l’OIP, Union syndicale Solidaires, Solidaires Justice, SNUAS-FP/FSU, Fédération Sud santé sociaux, SNUTER la FSU territoriale, SNEPAP FSU, Fédération Sud Collectivités Territoriales, DEI France, la FCPE .

« Depuis plus de 20 ans, l’enfance en danger est de moins en moins bien protégée », déplore le collectif. Il pointe du doigt la non-application des trois grandes lois de la protection de l'enfance.

Les organisations considèrent que la loi " réformant la protection de l’enfance" du 5 mars 2007 a donné des compétences aux Départements mais « sans transfert suffisant des dotations étatiques ». « Affichée comme voulant « recentrer » le civil sur des compétences territoriales, [la loi] a eu pour conséquence de considérablement réduire les moyens éducatifs des services de l’Etat (protection judiciaire de la jeunesse – PJJ), et de mettre fin de fait à la double compétence civile et pénale de la PJJ instituée depuis 1958 », poursuit le collectif. Autre point faible pour le secteur : la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant n’a pas été « réellement » mise en œuvre. A l'instar d'autres acteurs de la protection de l'enfance, le collectif Justice des enfants fustige la publication très tardive des décrets d'application de la loi Taquet du 7 février 2022. « Il a fallu deux ans pour que la plupart des décrets d’application, et notamment l’un des plus attendus relatif à l’interdiction d’hébergement hôtelier des enfants, soient enfin publiés, démontrant une fois encore que les questions financières priment sur l’urgence de l’accompagnement », dénonce-t-il.

« Tous les dispositifs législatifs mis en place seront vains si les moyens humains, financiers et matériels ne sont pas augmentés de manière significative »

L'affluence de normes n'évite pas « la lente mais inéluctable dégradation de la protection de l’enfance », analysent les organisations. Et d'ajouter : « Tous les dispositifs législatifs mis en place seront vains si les moyens humains, financiers et matériels ne sont pas augmentés de manière significative ».

Le collectif Justice des enfants alerte également sur la situation critique de la santé scolaire.

« Dans les écoles, le manque de moyens est criant, les assistantes sociales, les infirmières scolaires sont en sous-nombre, alors que ces professions sont les premières à faire de la prévention et à identifier les enfants en situation de danger » (lire cette tribune). Sur l'ensemble du territoire national, le service social en faveur des élèves compte environ 3 200 professionnelles pour 6 950 collèges et 3 750 lycées. La France compte 7 700 infirmières scolaires pour 12 millions d'élèves et d'étudiants. Un effectif insuffisant pour assurer les 18 millions de consultations effectuées chaque année dans les établissements scolaires. Selon les organisations syndicales, l'Éducation nationale devrait recruter 15 000 infirmières pour répondre aux besoins de santé des élèves et atteindre le ratio minimal d'une infirmière pour 500 élèves.

« La situation est devenue intolérable et la protection de l’enfance explose », s'alarment les organisations signataires. Elles s'inquiètent des mesures de placement ou de milieu ouvert prononcées par la justice mais non effectuées et la crise du travail social.

« Les enfants placés se retrouvent dans des structures inadaptées, quelques fois même défaillantes, avec des personnels précarisés et mal voire non formés aux métiers éducatifs », ajoutent-elles.

Suite à la publication du décret qui interdit le placement à l'hôtel des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) le 18 février 2024 au Journal officiel, le collectif rappelle le fait qu'aujourd’hui encore, « sur dérogation et si urgence, le placement d’un jeune de 16 à 21 ans reste possible en hôtel, preuve de l’insuffisance de structures éducatives ».

Fort de ces constats, le collectif Justice des enfants réclame la mise en œuvre d’ « un plan d’urgence humain et budgétaire », impliquant l’ensemble des professionnels de l’enfance en danger, les travailleurs sociaux, le secteur médico-social, les éducatrices et éducateurs (prévention, ASE, PJJ), les professionnels de la justice (avocats et magistrats pour enfants), les associations en protection de l’enfance et les institutions.


Organisations signataires : Barreau de la Seine-Saint-Denis, Barreau de Paris, Confédération générale du travail (CGT), Confédération générale du travail Protection Judiciaire de la Jeunesse (CGT6PJJ), Conseil National des Barreaux, Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA), LDH (Ligue des droits de l’Homme), Sud Santé Sociaux,  Syndicat de la magistrature ; Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP – FSU), Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (SNPES – PJJ/FSU), Syndicat des avocats de France