Pour la septième année consécutive, l’Unapei alerte : des milliers d’enfants handicapés restent exclus de l’école. Derrière les annonces gouvernementales, la réalité demeure, faite de scolarisation partielle, de listes d’attente saturées et de familles à bout.
À l’heure où des millions d’élèves s’apprêtent à reprendre le chemin des classes, certains enfants resteront à la maison. L’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) relance sa campagne #JaiPasEcole. Son enquête nationale met en lumière une situation inchangée : scolarisation au rabais, manque d’accompagnement et droits rarement appliqués.
« Combien d’enfants n’ont que des “bouts” de scolarisation ? »
Des chiffres préoccupants
L’étude, menée auprès de 38 associations du réseau et couvrant 3 603 enfants de 3 à 16 ans, montre que 13 % n’ont aucune heure de cours par semaine. 38 % suivent moins de six heures hebdomadaires, 30 % entre six et douze heures, et seuls 19 % dépassent douze heures.
En juillet 2025, 65 % de ces enfants ne disposaient toujours pas de numéro INE, les rendant invisibles pour l’Éducation nationale. Par ailleurs, 4 410 enfants figurent sur liste d’attente, soit davantage que ceux actuellement accueillis.
« Des promesses, il y en a. Mais derrière, combien d’enfants n’ont que des “bouts” de scolarisation ? Combien sont sans solution ? L’école inclusive ne doit pas devenir un dogme. Chaque enfant doit pouvoir bénéficier du mode de scolarisation adapté à ses besoins », alerte Luc Gateau, président de l’Unapei.

Des parcours fragmentés
Derrière ces données, des familles racontent des parcours hachés et des enfants privés de scolarité normale.
« Il entre en 6ᵉ avec seulement 9 heures de cours par semaine. Pas de place en ULIS, et l’IME est saturé. À 11 ans, il est déjà harcelé. Ses droits existent sur le papier, mais dans la réalité, c’est à nous de combler les manques », confie Clémentina, mère de Léo, 11 ans, porteur d’autisme et de TDAH en Haute-Savoie.
Dans le Haut-Rhin, la maman de Lamya, 12 ans, atteinte de trisomie 21, se heurte au même mur : « Ma fille finit l’école à midi, sans cantine, sans AESH, alors qu’elle devrait rester jusqu’à 15 heures. Chaque retard, chaque liste d’attente, c’est une perte de chance pour nos enfants. »
Laura, mère de Diego, 3 ans, raconte une scolarisation très limitée : « Il n’a pu être scolarisé que cinq heures par semaine. Deux AESH seulement pour six enfants autistes… Et pour la rentrée 2025, rien ne change. »
Certaines familles, comme celles de Corentin ou Gabrielle, attendent depuis des années une place en institut médico-éducatif. Beaucoup n’ont toujours aucune solution et doivent s’organiser entre accueil associatif et intervenants à domicile, souvent au prix de lourds sacrifices.
« L’école ne doit pas être uniforme. Elle doit être juste et adaptée à chaque enfant. »
Un système en tension
Ces situations mettent en lumière les failles d’un système déjà sous pression. Les établissements spécialisés manquent cruellement de places, et l’école ordinaire peine elle aussi à accueillir ces élèves. Le manque d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap), la formation insuffisante des enseignants, les classes trop chargées et l’absence de coordination avec le secteur médico-social freinent encore l’inclusion.
« L’inclusion des élèves en situation de handicap suppose de connaître leurs besoins et de réunir les conditions nécessaires à leur accueil, en termes d’accessibilité et de compensation. Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas réunies », constate Luc Gateau.
Les demandes de l’Unapei
L’association appelle désormais l’État à passer des intentions aux actes. Elle réclame une scolarisation réellement adaptée pour chaque enfant, et non des solutions temporaires ou par défaut. Cela implique, selon elle, un renforcement urgent des moyens humains, avec davantage d’enseignants et d’AESH formés, afin d’éviter les emplois du temps réduits, les ruptures de parcours et les déscolarisations forcées.
L’Unapei insiste aussi sur la nécessité de donner accès à tous les temps de l’école – cantine, récréation, activités périscolaires – et de fournir le matériel pédagogique indispensable. Elle rappelle que les établissements spécialisés, bien que saturés, sont essentiels dans de nombreux parcours, et qu’ils doivent être soutenus. Enfin, elle plaide pour une coopération plus étroite entre école, secteur médico-social et familles.
Pour son président, la ligne est claire : « L’école ne doit pas être uniforme. Elle doit être juste et adaptée à chaque enfant. »
Lire aussi
