« Beaucoup d’assistantes familiales disent n’attendre plus rien de l’institution » : le constat de Thierry Herrant, chargé de mission à l’Ufnafaam, est implacable. À travers son enquête, il révèle isolement, surcharge, absence de soutien, et dénonce des réformes d’affichage sans réponse de fond.
Pourquoi avoir mené cette étude sur les conditions de travail des assistantes familiales, et en quoi se distingue-t-elle des travaux précédents, comme ceux de la sociologue Nathalie Chapon ?
Thierry Herrant. Mon enquête, intitulée « Assistants familiaux, des professionnels en souffrance », avait un objectif clair : redonner une voix à ces professionnelles. Trop longtemps, ce métier est resté en marge du débat public, discret, presque invisible. J’ai voulu mettre en lumière une réalité de terrain qui échappe encore trop souvent aux instances nationales. Cette étude n’épuise pas le sujet, mais elle montre déjà que nous sommes à un tournant : une profession en crise silencieuse, dont les difficultés rejaillissent inévitablement sur les enfants accueillis.
L'étude de la sociologue Nathalie Chapon, publiée en 2022, a marqué une étape importante. Son baromètre sur la qualité de vie au travail a eu une réelle utilité, mais il présentait aussi des limites. L’enquête reposait sur des questionnaires en ligne, ce qui introduisait un biais évident : seuls répondaient celles et ceux qui maîtrisaient le numérique, souvent les plus jeunes et les plus motivés. L’ONPE l’avait d’ailleurs souligné. Cela n’enlève rien à la valeur de ce travail, mais il s’agissait d’une photographie essentiellement quantitative. J’ai choisi de prolonger ce travail par une approche qualitative, en donnant toute sa place à la parole des assistantes familiales.
J’ai ainsi conduit entre quarante et cinquante entretiens d’une heure et demie chacun. L’idée était d’échanger longuement avec ces professionnelles, qui s’expriment rarement et se montrent méfiantes. Le fait que mon épouse exerce ce métier depuis 2012 m’a permis d’instaurer un climat de confiance. Et j’ai fait un autre choix fort : concentrer l’étude sur les assistantes familiales salariées des départements. Elles représentent 90 % de la profession, mais on parle bien plus souvent des 10 % qui travaillent dans les associations, parce que ces dernières sont surreprésentées dans les instances nationales.
« Quand des professionnelles motivées en arrivent à ce point de découragement, on mesure la profondeur de la crise »
Après ces dizaines d’heures d’entretien, quel constat s’impose ?
T.H. Ce qui m’a frappé, c’est la convergence des témoignages. Les profils étaient très différents — en âge, en parcours, en géographie — et pourtant, tous racontent la même histoire.
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