L’État compte sur les parents pour participer à l’endiguement des violences commises par une partie des jeunes, mais il est urgent de faire du soutien à la parentalité un axe majeur de la politique familiale soulignent, dans une tribune au « Monde », quinze responsables de réseaux associatifs nationaux expérimentés en ce domaine.


Être parent peut être difficile, les familles le disent elles-mêmes : « 62% estiment qu’il est difficile d’élever un enfant », selon une enquête réalisée en 2017 par BVA pour la fondation Apprentis d’Auteuil. Quels que soient son milieu social et culturel, sa commune ou son quartier, quel que soit l’âge de son enfant, tout parent est confronté, à un moment ou un autre, à des difficultés éducatives. Quelle « éducation » choisir ? Qu’est-ce qu’être un « bon parent » ? L’injonction à la perfection, les recommandations contradictoires, la pression sociale, font peser sur les épaules des parents une charge mentale épuisante. Pour les familles en situation de fragilité, cette pression s’ajoute à une situation matérielle précaire et à des difficultés sociales ou psychiques qui peuvent obérer leur capacité d’agir pour leurs enfants et pour eux-mêmes aussi bien qu’ils le souhaiteraient.

Ces derniers jours, les parents ont été appelés à participer activement à l’endiguement des violences commises par une partie des jeunes. Cette attente souligne, dans un contexte dramatique, que l’Etat compte sur eux pour soutenir son action. Mais il est nécessaire de rappeler que la réciproque, dans bon nombre de cas, est tout aussi vraie. Accompagner les parents, c’est prendre soin de la société. Le soutien à la parentalité est essentiel pour lutter contre les inégalités, le déterminisme social et pour prévenir les maltraitances. Il doit devenir un axe majeur d’une politique familiale ambitieuse, innovante, préventive, construite avec les parents, en respectant la diversité des modes éducatifs, ainsi que le contexte familial, social, économique et culturel de chaque famille et enfant.

Le soutien à la parentalité ne doit pas être le grand oublié des politiques familiales en cours de construction. Si la petite enfance, actuellement dans les priorités du gouvernement, constitue une période cruciale, la première scolarisation, la préadolescence, l’adolescence sont également des périodes clés et charnières, vecteurs de doutes et de possibles ruptures familiales ou de parcours. Les difficultés rencontrées par les parents ne s’arrêtent pas à la sortie de la crèche et à la porte de l’école ! Au-delà des seuls prismes de l’âge et des besoins des enfants, accompagner les parents à partir de leurs attentes, besoins et questionnements permet l’épanouissement de chacun au sein de la famille.

Aujourd’hui, les dispositifs de soutien à la parentalité demeurent très dispersés et mal connus. Ils ne touchent, indique un séminaire de France Stratégie, que 10 à 15% des familles. Nous, acteurs de terrain, rappelons qu’il est indispensable que toutes les familles en ressentant le besoin puissent faire appel, quel que soit l’endroit où elles vivent, à un accompagnement ou un soutien, sans peur et sans honte. Il faut soutenir les actions et lieux d’écoute, de solidarité et de construction de liens sociaux durables et encourager la création de nouveaux dispositifs. Ces actions favorisent les échanges, la reconnaissance et l’entraide entre parents, permettent le répit parental et le renforcement de la confiance des parents dans leurs capacités d’éducateurs.

Entre le conseil individualisé, les activités et échanges en collectif, les professionnels du soutien à la parentalité font appel à des savoir-faire et savoir-être très divers reposant sur un dénominateur commun : l’écoute sans jugement. Cette richesse doit être préservée en reconnaissant le travail de ces équipes pluridisciplinaires.

Les négociations politiques et budgétaires qui sont encore en cours ne doivent pas marginaliser les besoins d’accompagnement des parents, au risque de fragiliser les familles dans leur ensemble et, par-delà, la société. Les événements tragiques qui ont traversé notre pays ces derniers jours nous montrent combien le soutien aux familles, notamment les plus fragiles, doit être aussi au centre de nos préoccupations. Nous interpellons le gouvernement pour que, ensemble, nous soyons attentifs et ambitieux afin de permettre aux professionnels d’exercer dans des conditions dignes et stables, et aux parents d’assumer en confiance et sereinement leur rôle de premiers éducateurs sans stigmatisation ! Il est encore temps, mais il faut agir vite !

Signataires : Marie-Andrée Blanc, présidente de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) ; Guylaine Brohan, présidente, Fédération nationale Familles Rurales ; Marie-José Daguin, présidente, Aide à domicile en milieu rural (ADMR ) ; Philippe Duverger, président de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs (Fnepe) ; Daniel Goldberg, président de l’Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) ; Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart-Monde ; Nicolas Guillon, président de la Fédération des associations de l’aide familiale populaire (FNAAFP) ; Pierre Lalart, président de la Fédération française des espaces de rencontre enfants-parents (FFER) ; Sophie Marinopoulos, présidente de la Fédération Les Pâtes au Beurre ; Isabelle Rodriguez, coprésidente de l’Association des collectifs enfants parents professionnels (Acepp) ; Richard Sancho-Andreo, président, association Le Furet ; Tarik Touahria, président de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) ; Nicolas Truelle, directeur général, Apprentis d’Auteuil ; Yohann Vergne, coprésident de l’Association des collectifs enfants parents professionnels (Acepp) ; Michel Wawrzyniak, président d’honneur de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs (Fnepe).