Appelant à la « mobilisation urgente » des services de l’État en appui des départements, le CNPE, le CNA et le COJ formulent une série de mesures « susceptibles d’être adoptées rapidement par le Parlement ».

Ils reviennent à la charge. Après avoir réclamé le 11 septembre au gouvernement la mise en œuvre d’un plan Marshall pour la protection de l'enfance, les conseils nationaux de la protection de l’enfance (CNPE) et de l’adoption (CNA), rejoints par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) présentent une série de « mesures immédiatement applicables ». Dans un document commun rendu public le 18 octobre, les trois conseils listent des propositions construites « avec les représentants des collectivités, associations, les personnes concernées et les professionnels des champs du soin, de la justice, de l’éducation…».

« Nous sommes convaincus qu’il est possible d’agir », assurent le CNPE, le CNA et le COJ. Pour ce faire, ils demandent aux pouvoirs publics « une refonte globale de la politique publique, appuyée par un effort financier massif et durable ». Les trois instances considèrent que la protection de l’enfance a besoin « sans délai » de mesures structurelles, « qui touchent simultanément à la gouvernance de cette politique à la fois interministérielle et décentralisée, et à ses ressources, humaines et financières ».

« Dans un contexte de forte augmentation des décisions de protection, en particulier des tout-petits et des jeunes adultes, toutes les coopérations doivent être recherchées. L’aide sociale à l’enfance ne pourra, seule, répondre aux besoins croissants des enfants les plus fragiles. Les expériences d’adversité qui ont marqué leurs parcours justifient des mesures de discrimination positive et des programmes d’intervention dédiés dans les grands ministères régaliens », estiment le CNPE, le CNA et le COJ.


Les trois instances préconisent « une refonte complète des modalités de financement de la protection de l’enfance ». Celle-ci dépend, aujourd'hui, « directement des ressources propres des départements » , c'est-à-dire des "droits de mutation à titre onéreux" (DMTO), taxes que les collectivités locales perçoivent lors de la vente d'un bien immobilier. Or, la baisse des transactions immobilières menace actuellement les départements d'asphyxie financière. « Comment accepter que le sort d’un enfant en danger puisse dépendre de l’évolution du marché de l’immobilier » ?, interrogent le CNPE, le CNA et le COJ.

Concernant la prise en charge des mineurs non accompagnés, actuel sujet de tensions entre l'État et les départements, les trois conseils demandent le « transfert des missions d’évaluation de la minorité et de la mise à l’abri des personnes étrangères se déclarant mineures non accompagnées » aux services du ministère de la Justice.  L'une des revendications des Départements de France est que la mise à l'abri des MNA soit assumée par l'État jusqu'à l'évaluation, en revanche ils souhaitent conserver l'évaluation sociale de la minorité de la personne se déclarant MNA.

« Il est indispensable que les discussions à venir sur les textes budgétaires pour l’année 2024 soient l’occasion d’entendre les alertes lancées par les acteurs de la protection de l’enfance et d’afficher avec force la solidarité nationale envers les enfants en danger », insistent les trois conseils nationaux. « Sur chacune de ces priorités, des engagements doivent être pris sur plusieurs années et se traduire dès 2024, dans les budgets de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ».

SOS URGENCE ! La protection de l’enfance en danger

Le point de vue de Claude Roméo, directeur départemental honoraire Enfance et Famille de la Seine-Saint-Denis, ancien conseiller technique auprès des ministres de l’Enfance.

« Il est temps d’entendre des voix qui s’élèvent pour s’inquiéter de la situation de la protection de l’enfance qui traverse une crise grave sans précédent, seulement 20 mois après le vote de la loi du 7 février 2022 dans laquelle chacun avait placé un espoir ! Fin août, 24 présidents des conseils départementaux alertaient sur la situation de protection de l’enfance provoquant une traînée de poudre. Ce fut d’abord l’UNIOPSS, le GEPSo, la CNAPE suivi par l’Association des magistrats de la jeunesse et de la famille, de nombreuses associations , sans oublier le "coup de gueule" du président des Départements de France à la suite de l’interview de Charlotte Caubel, secrétaire d’État à l’Enfance auprès de la Première Ministre.

Aujourd’hui, ce sont les Conseils nationaux de la protection de l’enfance, de l’adoption et le Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse placés eux aussi auprès de la Première ministre qui font part de l’urgence ! Face à ces alertes, je suis abasourdi par le silence du gouvernement, inquiétant pour les 370 000 enfants protégés, mais aussi pour les professionnels qui subissent de plein fouet la situation les obligeant à répondre à l’urgence au détriment des autres actions dont la prévention.

Heureusement des élus comme Isabelle Santiago, députée (socialiste) du Val-de-Marne vient de s’entourer d’un groupe d’experts, de professionnels et d’élus pour réfléchir, proposer, intervenir sur la protection de l’enfance. Il devient urgent que les professionnels s’emparent de la situation vécue pour obtenir la tenue des États généraux et saisir l’opinion publique afin de les alerter que les enfants de la protection de l’enfance sont en danger ! »

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