La Ville de Paris inspecte ce 10 décembre le foyer Jenner, dans le 13e arrondissement, après la diffusion d’images montrant un enfant de 8 ans tondu, humilié et filmé par des éducateurs.
Depuis mercredi 10 décembre, une inspection administrative est en cours au foyer Jenner, dans le 13ᵉ arrondissement, comme l’a révélé franceinfo. La mairie de Paris l’a déclenchée après la diffusion d’une vidéo montrant un éducateur en train de tondre la tête d’un enfant de 8 ans, sous les rires et commentaires de plusieurs collègues. On y voit le garçon torse nu, assis sur une chaise, les bras croisés, pendant que l’adulte manipule la tondeuse. Dans la boucle WhatsApp professionnelle, certains plaisantent, un autre parle de sanction, jusqu’au message d’une éducatrice qui tente de stopper la scène en rappelant « Si c’est une blague, pour rappel, c’est un groupe WhatsApp professionnel et non un groupe de potes. Si c’est pas une blague, c’est très très grave ».
L’enfant, profondément humilié, a ensuite porté un bonnet pendant des mois pour cacher sa tête rasée. Il aurait subi moqueries et coups de la part de certains camarades, aggravant encore les conséquences de cet acte.
Choc institutionnel et enquête judiciaire
Franceinfo indique que deux inspectrices habilitées auprès de l'aide sociale à l'enfance (ASE), dont la responsable de la cellule d’appui, d’évaluation et de contrôle, passent au crible les dossiers, les pratiques éducatives et d’éventuels autres faits de violence. Le foyer est géré par l’association Jean-Cotxet. Une source proche du dossier évoque des suites possibles allant jusqu’au retrait de l’agrément ou du financement. La Ville de Paris confirme que le rapport permettra de prendre « toutes les mesures d’injonction ou de recommandation nécessaires vis-à-vis de l’association ».
À la suite des révélations de franceinfo, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour violences volontaires sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité. Dans le même temps, l’association gestionnaire Jean-Cotxet indique avoir renouvelé l’équipe éducative ainsi que le chef d’équipe. Elle se dit « profondément choquée » et affirme avoir découvert la vidéo tardivement.
Indignation publique et responsabilité politique
Dans un communiqué publié le 9 décembre, la maire de Paris exprime sa stupeur face à des faits qu’elle qualifie de « gravissimes ». Anne Hidalgo rappelle que « des salariés ont décidé de raser la tête d'un enfant placé sous leur responsabilité et de filmer la scène à des fins évidentes d'humiliations », avant de souligner le caractère totalement injustifiable de cet acte. Elle précise ainsi que « aucune des justifications avancées – qu’il s’agisse du prétendu accord de l’enfant, de l’éventuelle autorisation de sa mère, ou encore des tentatives, en tout état de cause non vérifiées, de se débarrasser de poux – ne saurait légitimer la violence qui lui a été infligée ».
La Ville indique avoir saisi la justice sans délai et annonce qu’elle se constituera partie civile si nécessaire. Elle ajoute enfin que « l’analyse et le traitement de la situation doit se poursuivre dans les prochaines semaines pour garantir la sécurité et le bien-être des enfants confiés dans cette unité ». Dans ce contexte de fortes réactions et d’exigence de transparence, la Ville souligne la situation du garçon concerné, affirmant qu’il « souhaite vouloir rester dans ce foyer et dit s’y sentir bien malgré l’épisode violent de février ».
La ministre Stéphanie Rist, en charge de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, évoque des actes « d’une particulière gravité » et « une atteinte manifeste à la dignité et à l’intégrité d’un mineur placé ». Elle demande un examen judiciaire indépendant dans tout foyer susceptible de révéler des maltraitances institutionnelles.
Je condamne fermement ces faits inacceptables. Raser les cheveux d’un enfant comme sanction est une atteinte grave à sa dignité. C’est la raison pour laquelle je saisis le procureur de Paris
— Stéphanie RIST (@stephanie_rist) December 10, 2025
Les enfants confiés à la protection de l'enfance doivent être respectés et protégés,… pic.twitter.com/ptkpSvRtgU
La Défenseure des droits Claire Hédon s’est autosaisie du dossier, dénonçant une situation « épouvantable ». La haute-commissaire à l'Enfance Sarah El Haïry a réagi dans le même sens, rappelant que « l’ASE n’est pas là pour abîmer. Elle est là pour protéger. Un enfant confié doit être traité avec une dignité absolue ».
Réactions politiques et professionnelles en cascade
Sur LinkedIn, Perrine Goulet, députée MoDem de la Nièvre et présidente de la Délégation aux droits des enfants, met en garde contre un déni collectif. Elle estime que « ce nouveau fait divers révèle, une fois encore, ce que beaucoup refusent encore d’admettre : notre système de protection de l’enfance laisse des enfants livrés à la violence au sein même des institutions censées les protéger ». L'élue rappelle que la délégation a déjà avancé des propositions pour mettre fin à « l’impunité institutionnelle », en renforçant les contrôles et l’intervention de l’État. Pour elle, « il n’y a plus d’excuse ».
Toujours sur LinkedIn, Julien Landureau, responsable Plaidoyer et Communication chez Droit d’Enfance – Fondation Méquignon, parle d’une « honte absolue » et appelle à comprendre ce qui a rendu possibles « ces sévices d’un autre temps sur des enfants ». Il insiste sur une vigilance partagée, « sur nos propres actes » comme sur ceux des collègues, pour garantir que « plus jamais cela ne puisse se reproduire ».
Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, réagit avec une rare fermeté. Il s’interroge « comment ne pas être révulsés par ce qui a été infligé dans le cadre d’une mesure de protection », rappelant la gravité du geste et le devoir d’exemplarité. L'ancien magistrat estime que « l’auteure et ceux qui l’auront accompagnée doivent être sévèrement punis pénalement, civilement et professionnellement », évoquant « suspension, jugement et révocation avec interdiction d’exercer ». Les zones d’ombre restent nombreuses, « pourquoi ce geste, où était l’encadrement, qui a su et comment a-t-il réagi » alors que les faits seraient connus depuis février. Pour lui, la responsabilité est multiple, vis-à-vis de « l’enfant victime » mais aussi de « la communauté éducative à laquelle ils ont asséné un coup de poignard ». Et la colère se conclut dans une formule sèche, « nous ne pouvons pas être assimilés à des tortionnaires et à des cons, du vent ».
(publié le 10 décembre, mis à jour le 10 décembre)