Alors que la future loi sur la protection de l’enfance est attendue pour l’automne, une mesure suscite déjà la controverse : permettre aux assistants familiaux de cumuler un second emploi. Une option que la CGT considère comme irréaliste et éloignée des réalités du terrain.

Dans une interview accordée à La Provence le 5 juin dernier, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, évoquait une nouvelle proposition de loi à venir sur la protection de l’enfance. Parmi les annonces : ouvrir aux assistants familiaux la possibilité d’exercer un second emploi en parallèle de leur activité.

Une déclaration dénoncée par la CGT des services publics, qui y voit une profonde méconnaissance de la charge que représente ce métier. « Les assistants familiaux sont des agents contractuels à part entière et à temps complet », rappelle le syndicat dans un communiqué du 25 juin. Et d’ajouter : « Il nous semble irréaliste de pouvoir exercer un second métier alors que l’assistant familial se doit d’être en capacité d’être présent pour les enfants accueillis ».

Une charge de travail incompatible

À l’opposé de l’image d’un accueil « tranquille », la CGT décrit un quotidien ponctué d’imprévus, de tensions et d’urgence. Les professionnels doivent jongler avec les consultations médicales, les rendez-vous sociaux, les droits de visite, les transports scolaires, le suivi psychologique sans compter les épisodes nocturnes ou les placements de dernière minute.

« Quid des aléas de dernière minute, des réveils fiévreux, des fugues, des enfants accueillis en urgence ? », interroge le texte. Et ce n’est pas une exception : de nombreux assistants ont plusieurs enfants à leur charge, avec des profils et des besoins lourds. Autant de réalités qui, selon la CGT, rendent le cumul d’emploi tout simplement infaisable.

Le syndicat pointe aussi une incohérence réglementaire. Le décret du 2 avril 2025 – pris en application de la loi de 2005 et venu modifier la loi Taquet – impose désormais 510 heures de formation obligatoire. Là encore, le doute est permis : « Comment un assistant familial à double emploi pourra-t-il réaliser cette formation ? ».

« Accueillir et accompagner un enfant, ce n’est pas faire du baby-sitting »

Au fond, ce que la CGT dénonce, c’est une forme de déconsidération du métier. Car loin d’un emploi d’appoint, le rôle d’assistant familial est un engagement total. « L’assistant familial est un travailleur social agréé pour accueillir et accompagner des mineur·es confiés à l’aide sociale à l’enfance à son domicile. Il travaille du lundi au dimanche, jours fériés compris ».

Rien n’est vraiment prévisible : crises émotionnelles, nuits blanches, comportements à risque. Et pour certains, l’absence de droit au répit – qui reste une possibilité laissée à l’appréciation de l’employeur – finit d’épuiser les plus engagés. La CGT tranche : « Accueillir et accompagner un enfant, ce n’est pas faire du baby-sitting !!! ».

Une profession fragilisée

Le coup de colère arrive dans un contexte déjà tendu. Depuis plusieurs années, le nombre de familles d’accueil ne cesse de reculer. Les départs ne sont pas compensés. Le métier vieillit. Et les jeunes hésitent à s’y engager. Manque de reconnaissance, précarité statutaire, faibles perspectives d’évolution : la liste des freins est longue.

Pour le syndicat, permettre un second emploi reviendrait à aggraver la situation : une tentative de colmater une brèche, au lieu de la réparer. Ce que la CGT revendique, c’est une vraie reconnaissance : « métier pénible », droit au répit garanti, congés bonifiés, départ anticipé à la retraite, et versement de la prime Ségur à l’ensemble des assistants familiaux, qu’ils soient de droit privé ou public.

Un appel à l’intégration dans la fonction publique

Enfin, la CGT relie cette proposition ministérielle à un autre chantier d’actualité : les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur les défaillances de l’aide sociale à l’enfance. Elle estime qu’il est urgent de renforcer les moyens humains et la stabilité du système plutôt que de fragiliser encore les professionnels.

Le syndicat en appelle à une reconnaissance statutaire forte : l’intégration des assistants familiaux dans la fonction publique territoriale. Une solution qui, selon lui, permettrait de sécuriser les parcours, de valoriser l’ancienneté et d’ouvrir des perspectives d’évolution.

Et de conclure : « Ce projet de loi n’est pas acceptable. Accueillir un enfant en qualité d’assistant·e familial est un métier à part entière, qui nécessite énormément de disponibilité et de responsabilité ».