Vendu en e-liquide, sans odeur ni couleur, le « Buddha Blue » — ou « Pète ton crâne » — circule facilement sur Snapchat et échappe aux dépistages classiques. Intoxications en hausse, hospitalisations d’adolescents, molécules changeantes : les alertes sanitaires et institutionnelles se multiplient.

Interpellé par la sénatrice Marie-Claude Lermytte (Les Indépendants, Nord), le ministère de l’Intérieur reconnaît, dans une réponse publiée au JO du 6 novembre, que la France est confrontée à « une multiplication de nouveaux produits » et à des intoxications « notamment de mineurs ». Il rappelle que sous les appellations « Buddha Blue », « PTC » ou « Pète ton crâne », circulent « plusieurs molécules synthétiques difficiles à détecter », modifiées « afin de contourner la réglementation ».

Un phénomène qui s’installe

Chaque année, près de 400 nouveaux produits de synthèse sont détectés en Europe. Une quarantaine apparaissent pour la première fois. En France, les substances identifiées relèvent surtout des cathinones (stimulants), des cannabinoïdes de synthèse, des opioïdes de synthèse et des phénéthylamines (hallucinogènes).

Ces substances exposent à des risques graves : épisodes délirants, hallucinations, idées suicidaires, attaques de panique. Elles peuvent provoquer des nausées, vomissements, douleurs abdominales, mais aussi une tachycardie, des douleurs thoraciques ou des atteintes rénales. Les usages répétés entraînent une addiction sévère, avec un véritable syndrome de sevrage. Des malaises, amnésies, pertes de connaissance ou même des convulsions ont également été rapportés.

« Inodore, incolore et indétectable »

Dans sa question écrite du 3 juillet, la sénatrice décrit un e-liquide « inodore, incolore et indétectable par les tests classiques de dépistage du cannabis », vendu « à très bas coût » via Snapchat malgré son classement comme stupéfiant.
Elle alerte sur une puissance « jusqu'à 100 fois supérieure à celle du THC ». L'élue insiste sur une progression rapide : « alors que les cas étaient encore limités à quelques dizaines par an jusqu’en 2022, l’année 2024 a vu l’enregistrement de près de 200 cas », touchant « principalement des adolescents et jeunes majeurs, souvent collégiens ou lycéens ».

Le ministère de l’Intérieur observe que le produit circule d’autant plus facilement qu’« il se présente le plus souvent sous la forme d’e-liquide à vapoter », apprécié pour « l’absence d’odeur, la possibilité de le confectionner soi-même et l’usage de e-cigarettes ». Un format discret, « particulièrement plébiscité par les collégiens/lycéens qui confondent ces e-liquides avec ceux contenant du CBD ».

Il rappelle aussi que la consommation de PTC « n’est pas détectée par les dépistages salivaires utilisés pour le THC (cannabis) ». Il met en avant une mobilisation renforcée : davantage de saisies, une action élargie de l’OFAST (Office anti-stupéfiants), et l’expérimentation du MICRONIR , un appareil portable capable de « dépister en quelques secondes une large gamme de produits stupéfiants ». Côté prévention, la réponse mentionne la poursuite des interventions en milieu scolaire et une campagne menée en février pour sensibiliser et responsabiliser les jeunes et les familles.

L’alerte sanitaire se durcit

En février, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a averti : « Les pratiques sont plus risquées qu’on ne le pense ». Elle rapporte « de nouveaux cas d’intoxications au PTC signalés chez des adolescents qui ont dû être hospitalisés » et une montée d’« effets indésirables graves » entraînant « des hospitalisations assez longues ». La moitié des cas graves concerne des mineurs. Depuis 2019, 215 hospitalisations ont été recensées, dont un décès.

Les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A), qui surveillent les signalements liés aux substances psychoactives, et les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), chargés d’identifier les intoxications aiguës, observent la même progression.
L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) souligne que « l’analyse des e-liquides révèle une grande variété de cannabinoïdes de synthèse, consommés par des utilisateurs très jeunes ».

Pour les professionnels de la jeunesse, l’enjeu est clair : identifier tôt, informer vite, intervenir juste. Car cette drogue furtive n’est plus un phénomène périphérique.