Selon une publication du centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), environ 3 pères sur 10 n'ont pas recours à leur droit au congé de paternité. Le point sur les freins encore existants.

« La stabilité du taux de recours au congé au cours de ces vingt dernières années interroge, dans un contexte où les normes égalitaires ont progressé et où la spécialisation des rôles s’est atténuée, tout particulièrement chez les jeunes couples. Comment expliquer ce non-recours résiduel ? Les pères qui n’exercent pas leur droit sont-ils particulièrement réticents à s’investir dans la sphère familiale ? », questionne une publication du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), publiée le 2 mars. Cette étude menée par Alix Sponton, chercheuse à Sciences Po Paris et à l’Ined concerne des données antérieures à la réforme de juillet 2021 qui porte le congé de paternité à 28 jours au lieu de 14 précédemment.

Premier constat : il existe de grandes disparités dans le recours au congé selon la situation professionnelle des jeunes pères au moment de la naissance. « L’instabilité de l’emploi et des revenus apparaît comme un facteur central d’inégalités dans la prise du congé de paternité », note l'étude. Si 87% des pères en CDI au moment de la naissance recourent au moins partiellement au congé de paternité. En revanche, seul 24 % des pères qui étaient demandeurs d’emploi indemnisés à la naissance de leur dernier enfant ont utilisé tout ou partie des 11 jours, même si le congé leur permet de reporter d’autant la durée de leur droit au chômage.  Le recours est également moins fréquent (65%) chez les pères en contrats courts et discontinus (contrat à durée déterminée, intérimaires, vacataires, emplois aidés, etc.). Idem chez les indépendants qui recourent au dispositif dans seulement un tiers des cas.

Méconnaissance du droit

Pour le Céreq, ce faible recours peut s’expliquer notamment par une méconnaissance du droit. « Au regard de leur statut, qui s’accompagne habituellement de restrictions concernant leur droit aux congés rémunérés, ces pères peuvent se croire inéligibles au dispositif. Par ailleurs, pour les pères au chômage, demander des congés au cours d’une période de non-emploi peut apparaître contradictoire. Le recours au congé de paternité est alors un impensé », explique l'étude. Dans une moindre mesure, la prise du congé peut également être influencée par l'ancienneté au moment de la naissance de l'enfant, les caractéristiques de l’entreprise, la catégorie socioprofessionnelle, le statut et la rémunération de l’emploi et l’environnement de travail.

Céreq Bref n°419

Réticences chez les plus bas et les plus hauts salaires

Parmi les autres freins identifiés : la catégorie socioprofessionnelle et le niveau de revenus.  Les ouvriers et professions intermédiaires sont moins nombreux à poser un congé paternité que les cadres (83 %) et employés (87 %). Par ailleurs, le recours au congé paternité est « au plus bas chez les 20 % des pères les plus modestes (environ 67 %), atteint un pic chez ceux dont le revenu est compris entre 2 500 € et 2 899 € (98 %) et redescend chez les 10 % des pères les mieux rémunérés (73 %) », détaille Alix Sponton, l'auteure de l'étude.

Les résultats de l'étude mettent également en évidence que le recours au congé paternité n’a pas d’incidence sur la répartition des tâches dans le foyer. « Aucune différence ne s’observe sur la répartition des tâches au sein du domicile (ménage et préparation des repas) », que l’homme demande un congé ou non, précise le Céreq. La seule différence tient dans les activités extérieures, comme les courses ou le transport des enfants. Les pères en congé paternité s’impliquent plus dans ces tâches-là.

Etude Céreq BREF n°419 : Quels freins limitent encore le recours au congé de paternité chez les jeunes pères ?