La France connaît depuis 2012 une augmentation de 7% de la mortalité infantile. Pour les chercheurs, il est urgent faire des décès pédiatriques une priorité de santé publique « pour en comprendre les causes et préparer des actions correctives ».

Chaque année, la France compte un excès de 1200 décès chez les moins de 1 an, soit une augmentation de 7% en 2019 par rapport à 2012. Une tendance à la hausse qui inquiète les chercheurs d'autant plus que le taux de mortalité infantile est un indicateur clé de la santé d'une population.

Des chercheurs de l’Inserm, de l'Université de Paris, de l’AP-HP et du CHU de Nantes, en collaboration avec des équipes de l’Université de Californie, ont analysé les données d’état civil de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) entre 2001 et 2019. Au cours de cette période, 53 077 décès de nourrissons de moins d'un an ont été enregistrés parmi les 14 622 096 naissances vivantes, soit un taux de mortalité infantile moyen de 3,63 pour 1.000 (4,00 chez les garçons, 3,25 chez les filles). Près d'un quart des décès (24,4%) sont survenus au cours du premier jour de vie et la moitié (47,8%) au cours de la période néonatale précoce, soit au cours de la première semaine suivant la naissance.

D’après leurs résultats publiés, le 1 er mars, dans le journal The Lancet Regional Health Europe, la mortalité infantile a fortement diminué de 2001 à 2005 puis de façon plus lente entre 2005 et 2012. C'est à partir de l'année 2012, que le taux de mortalité infantile a commencé à augmenter. Entre 2012 et 2019, sur mille naissances, la France est passée de 3,3 décès à 3,5 décès de nourrissons de moins d'un an.

« Dans certains pays comme la Finlande, l'Islande, le Japon et la Slovénie, le TMI [taux de mortalité infantile] n'a cessé de diminuer depuis la Seconde Guerre mondiale, y compris au cours des dernières années, pour atteindre aujourd'hui des niveaux très bas d'environ 2 décès pour 1000 naissances vivantes », pointent les chercheurs dans la publication. Mais en France, la baisse continue du taux de mortalité infantile (TMI) observée depuis la Seconde Guerre mondiale s'est ralentie, la faisant passer du 7e rang mondial en 1989 au 25e rang en 2017. Ainsi, alors que la France était en 2004 à la 4ème place des pays de l’UE en termes de mortalité infantile, proche de pays comme l’Espagne ou la Suède, elle se trouve désormais en 20ème position, juste derrière la Pologne.

« On était parmi les meilleurs élèves pendant longtemps, puis la tendance s'est infléchie depuis 2005 et le taux est remonté de 2012 à 2019 », résume le Pr Martin Chalumeau, pédiatre et épidémiologiste, qui a supervisé cette étude.

L’augmentation de 7 % de la mortalité infantile depuis 2012 est jugée inacceptable par le Pr Martin Chalumeau, pédiatre et épidémiologiste, qui a supervisé cette étude : « On était parmi les meilleurs élèves pendant longtemps, puis la tendance s'est infléchie depuis 2005 et le taux est remonté de 2012 à 2019. Si on avait le taux de mortalité de la Suède ou de la Finlande, il y aurait chaque année 1 200 décès de moins d’enfants de moins d’un an ».  Comment expliquer cette hausse inquiétante de la mortalité infantile ? Les auteurs de l’étude rappellent notamment que les principaux facteurs de risque de décès précoces sont liés à la prématurité et la présence d’anomalies congénitales, et que ces facteurs sont à leur tour affectés par la santé maternelle avant et pendant la grossesse, et par des facteurs socio-économiques. Alors que les Nations Unies ont fixé comme l’un de leurs objectifs prioritaires l’élimination des décès évitables d’enfants d’ici à 2030, la France n'a pas encore investi les moyens de comprendre cette hausse inquiétante de la mortalité infantile. « Il est primordial de pouvoir explorer en détail les causes de cette augmentation en disposant par exemple d'informations systématiques sur les circonstances médicales et sociales spécifiques de ces décès et en faisant de cette population, qui est la plus vulnérable, un véritable centre de recherche et de priorité de santé publique, ce qui n'est pas le cas actuellement », conclut le Pr Martin Chalumeau.