Le Syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE) porte plainte contre People & Baby et La Maison Bleue. Après des années d’alertes, il dénonce salaires impayés, pressions managériales, dépassements de capacité et conditions de travail dégradées.

Depuis plusieurs années, le SNPPE alerte sur les dérives du secteur privé lucratif dans la petite enfance. Dans un communiqué du 17 septembre, il affirme que « derrière les promesses marketing et les beaux discours, la réalité vécue par les professionnels et les familles est toute autre : salaires impayés, pressions managériales, conditions de travail dégradées, dépassements de capacité ».

Le syndicat précise que « ce sont les professionnels eux-mêmes qui nous écrivent, semaine après semaine, pour dénoncer ce qu’ils vivent dans leur quotidien ». En 2024, des salariés de People & Baby avaient déjà subi des retards de paiement, « une situation inacceptable qui avait conduit le SNPPE à interpeller les autorités et à demander des contrôles ». Depuis, d’autres témoignages évoquent « des modifications unilatérales de fiches de poste, pressions à l’encontre des grévistes, encadrements non respectés, déclarations erronées aux autorités de tutelle ».

Deux géants du secteur dans la tourmente

People & Baby, créé en 2004, gère environ 700 crèches en France et à l’international, accueillant près de 14 000 enfants. Longtemps dirigé de manière familiale, le groupe a vu son capital évoluer avec l’entrée de fonds d’investissement, ce qui a suscité des tensions internes. Il a déjà été critiqué pour des retards de paiement et des pratiques managériales contestées, mais n’a pas fait l’objet d’un rapport spécifique de l’IGAS.

La Maison Bleue, fondée la même année, occupe la quatrième place du marché, avec environ 600 crèches, 6 000 salariés et près de 20 000 enfants accueillis. En juin 2025, un rapport de l’IGAS a révélé des défaillances graves : qualité d’accueil insuffisante, fausses déclarations et irrégularités comptables. Ces conclusions ont conduit à la saisine du procureur.

Des alertes confirmées par les enquêtes

Ces alertes, insiste le syndicat, « ne sont pas isolées : elles se répètent aussi bien chez People & Baby que chez La Maison Bleue, deux des plus grands groupes privés lucratifs du secteur ».

Le communiqué met en avant les enquêtes qui confirment ces témoignages. Le documentaire diffusé sur Arte a mis en lumière « les dérives de gestion dans plusieurs groupes ».

Le journaliste Victor Castanet publie une édition augmentée de son ouvrage « Les Ogres », qui démontre selon le SNPPE que « ces pratiques ne sont pas des accidents mais un système organisé : déflation salariale, pression sur les équipes, recherche de profits rapides pour les fonds d’investissement ». Quant au rapport de l’IGAS, censé apporter des réponses, il a été « largement caviardé au nom du secret des affaires, empêchant toute transparence pour les familles, les élus locaux et les professionnels ».

Pour le syndicat, une question centrale se pose désormais : « à qui profite l’argent public, et à quelle hauteur ? » Chaque année, des milliards d’euros d’aides sont versés aux entreprises du secteur de la petite enfance. « Peut-on accepter que des groupes de crèches privés, financés par des fonds financiers, spéculent avec cet argent plutôt que de garantir l’intérêt général ? », interroge le SNPPE.

Le syndicat explique que, « face à l’accumulation des preuves et à l’inaction de l’État », il a pris la décision de déposer plainte contre People & Baby et La Maison Bleue. Il estime que cette action judiciaire « marque une étape décisive » et qu’elle « traduit [sa] volonté de défendre les professionnels de la petite enfance, au même titre que les enfants et les familles ».