Pour ses 25 ans, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) revient sur les grandes évolutions observées depuis deux décennies chez les usages des adolescents à travers le dispositif ESCAPAD.  Deux constats : un recul de la consommation d'alcool, de tabac et de cannabis mais de nouvelles pratiques d'usages de produits psychoactifs (e-cigarette, chicha, protoxyde d’azote…).

En 20 ans, plus de 200 000 adolescents âgés de 17 ans ont été interrogés à intervalles réguliers lors de la journée défense et citoyenneté (JDC) dans l’objectif de suivre l’évolution des niveaux d’usage, les changements de pratiques de consommation, repérer et mesurer les nouveaux produits.

Les analyses à travers le dispositif ESCAPAD mettent en évidence un certain recul des expérimentations et des usages des substances psychoactives comme l’alcool, le tabac ou le cannabis mesurés à 17  ans et, dans le même temps, une progression des alcoolisations ponctuelles importantes, y compris désormais parmi les buveurs occasionnels, ainsi que le recours à de nouvelles pratiques (e-cigarette, chicha, protoxyde d’azote), et l’observation récente de pratiques de jeux d’argent et de hasard en population adolescente.

L’observation des usages d’alcool au cours des vingt dernières années fait apparaître une double tendance parmi les adolescents. La première concerne l’augmentation de la part d’adolescents n’ayant jamais bu d’alcool au cours de leur vie (14,4 % en 2017). « Les motifs avancés – philosophiques, religieux, préservation de la santé – témoignent de l’émergence de nouveaux cadres normatifs modifiant les modalités de socialisation : pour ces jeunes, l’alcool n’est pas strictement associé au contexte festif », note l'étude.  La seconde tendance est celle des alcoolisations ponctuelles très souvent perçues par les adolescents buveurs comme inoffensives pour la santé, loin de l’addiction à l’alcool toujours associée à une consommation quotidienne. « Cependant, les risques pour la santé, notamment en matière de développement du cerveau des jeunes dès que des alcoolémies importantes se répètent, sont tangibles. »

L’adolescence reste la période privilégiée de l’initiation au tabac.

Le tabac demeure la substance psychoactive la plus consommée quotidiennement en France et la seule drogue licite donnant lieu à un taux d’usage quotidien important dès l’adolescence. « En 2019, on estimait à environ 12,6 millions le nombre de fumeurs quotidiens en France métropolitaine, dont environ 450 000 n’avaient pas encore l’âge légal d’achat autorisé (18 ans). L’adolescence reste la période privilégiée de l’initiation au tabac. La précocité de l’usage demeure un des premiers facteurs associés à un risque de consommation importante ultérieurement, notamment quotidienne », souligne l’OFDT.

En 2017, près de quatre jeunes de 17 ans sur dix (39,1 %) ont déjà fumé du cannabis au cours de leur vie, niveau le plus bas enregistré depuis la première enquête ESCAPAD. Par ailleurs, 7,4 % de l’ensemble des jeunes de 17 ans présenteraient un risque élevé d’usage problématique ou de dépendance au cannabis, soit une part similaire à 2014. Les usages de cannabis sont fortement associés à la situation scolaire des jeunes de 17 ans. Depuis 2000, les jeunes en apprentissage et ceux qui sont sortis du système scolaire (déscolarisés, en emploi, etc.) sont plus nombreux que les jeunes scolarisés à être consommateurs de cannabis, quel que soit l’indicateur observé.

Au milieu des années 2000-2010, l’usage de la chicha (ou narguilé), consommée avec du tabamel (un dérivé du tabac), s’est progressivement développé notamment dans la population adolescente. Il en est de même avec la cigarette électronique (ou e-cigarette), apparue en 2005 en Chine, mais qui a connu son essor en France à partir de 2010. En 2017, la moitié des jeunes de 17 ans déclarent avoir déjà fumé le narguilé ou la chicha (49,9 %). En comparaison avec la cigarette, l’expérimentation se révèle un peu plus tardive de quelques mois (14 ans et 11 mois en moyenne, soit 14,9 ans).

En 2017, plus d’un jeune de 17 ans sur deux (52,4 %) déclare avoir déjà expérimenté la cigarette électronique ou e-cigarette (tableau 5). L’expérimentation de la e-cigarette accompagne largement l’expérimentation de la cigarette (44,8 % des 17 ans ont expérimenté les deux produits) tandis que seuls 3,8 % des jeunes de 17 ans disent l’avoir essayée sans avoir jamais fumé de tabac auparavant (figure 5). Parmi les "doubles expérimentateurs", la majorité a commencé par tester la cigarette de tabac (71,4 %). En moyenne, l’expérimentation de cigarette électronique a lieu à 15,4 ans, soit un an exactement après l’âge moyen d’initiation au tabac.

Concernant les addictions dites "sans substance", les données de l'enquête ESCAPAD - bien qu'encore limitées - montrent qu’il existe des pratiques problématiques aux jeux d’argent et de hasard (JAH) en population adolescente. « Les nouvelles formes de jeux d’argent et de hasard qui se développent sur Internet, articulant un aspect graphique et divertissant avec la dimension monétaire et aléatoire des jeux d’argent et de hasard, peuvent créer un contexte propice à une perte de contrôle pour des adolescents, particulièrement connectés et fortement engagés dans des activités numériques », avertit le rapport.

Rapport Escapad, 20 ans d'observation des usages à l'adolescence - OFDT -mars 2022