Au croisement de la justice familiale et de la protection de l’enfance, les espaces de rencontre accueillent des situations de plus en plus complexes. Dans un contexte de tensions croissantes autour de ces dispositifs, la Fenamef rappelle le cadre strict dans lequel ils interviennent et les règles qui s’y imposent en insistant sur la primauté de l’intérêt de l’enfant.

À Poitiers, une enquête a été ouverte après le dépôt d’environ dix plaintes contre l’association Soelifa, gestionnaire d’un espace de rencontre. Des mères indiquent que, lors de visites exercées par le parent n’ayant plus la garde, leurs enfants auraient été exposés à des situations qu’elles estiment inadaptées ou potentiellement dangereuses. Ces signalements ont conduit à une saisine des services de police. Dans ce contexte médiatique sensible, la Fenamef s’est exprimée dans un communiqué, non pour commenter le dossier local, mais pour rappeler le cadre d’intervention des espaces de rencontre et leur rôle dans l’intérêt des enfants.

Un rôle strictement défini

Les espaces de rencontre enfants-parents sont des dispositifs de droit commun, inscrits dans le code civil par la loi du 4 mars 2002 et encadrés par le code de l’action sociale et des familles (Casf) depuis le décret du 15 octobre 2007. Ils relèvent des politiques de prévention et de soutien à la parentalité et constituent des lieux d’accès aux droits pour l’enfant, en cohérence avec la Convention internationale des droits de l’enfant. Les rencontres sont ordonnées par le juge aux affaires familiales ou décidées d’un commun accord entre les parents.

Ces dispositifs accueillent des familles confrontées à des séparations conflictuelles, à des ruptures de lien parfois anciennes et, dans certains cas, à des situations de violences. Enfants comme parents arrivent souvent fragilisés, ce qui impose un cadre d’intervention strict et ajusté. Dans ce contexte, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours guider les décisions et les pratiques ». La fédération rappelle que « les espaces de rencontre ne sont ni des lieux de thérapie, ni des lieux d’expertise, ni des services de protection de l’enfance ».

Les rencontres se déroulent dans « un cadre encadré et sécurisé », garantissant « le respect et l’accueil de tous », le plus souvent à la suite d’une décision de justice. Elles s’inscrivent dans l’exercice de l’autorité parentale tel qu’il a été défini par le juge aux affaires familiales. Pour autant, ces dispositifs « participent pleinement à la protection des enfants accueillis », en veillant à leur sécurité physique et psychique pendant les temps de rencontre.

« Aucune rencontre ne doit être maintenue si elle expose l’enfant à une situation d’insécurité »

Protéger, quitte à refuser

Le maintien du lien n’est jamais automatique et repose sur une évaluation préalable des situations. « Les professionnels évaluent en amont la faisabilité des rencontres, peuvent refuser leur mise en place ou les suspendre lorsque les conditions ne sont pas réunies, et ont l’obligation d’alerter les autorités compétentes en cas de danger identifié ou pouvant le devenir ». Le cadre est clair : « aucune rencontre ne doit être maintenue si elle expose l’enfant à une situation d’insécurité ou de mise en difficulté ».

Des moyens en décalage avec la réalité

Sur le terrain, les équipes observent une montée nette de la complexité des situations familiales. La fédération souligne que « les violences intrafamiliales, les troubles psychiques, les problématiques d’addiction et les conflits parentaux de forte intensité sont de plus en plus présents ».

Dans ce contexte, elle alerte sur un déséquilibre croissant entre les missions confiées aux espaces de rencontre et les moyens dont ils disposent. « Le sous financement chronique de ces dispositifs et les contraintes qui en découlent fragilisent les conditions d’accueil et d’accompagnement », alors même que « les situations rencontrées sont toujours plus lourdes et complexes ».

Le référentiel publié en 2021 prévoit explicitement « la nécessité d’un dialogue avec les financeurs lorsque les conditions de mise en œuvre ne permettent plus de garantir un cadre suffisamment sécurisant ». La fédération appelle enfin à « un renforcement des moyens et à une meilleure coordination entre l’ensemble des acteurs concernés, et notamment avec la justice », afin de garantir des espaces de rencontre « réellement protecteurs, cohérents et adaptés à la complexité croissante des situations familiales ».


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