Le Conseil d'État a rejeté, le 28 décembre, les requêtes des associations SOS Éducation et Juristes pour l’enfance qui demandaient l'annulation de la circulaire du ministère de l’Éducation datant de 2021 qui concerne la transidentité à l’école. L'institution n'y voit pas une « atteinte à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ».

Le Conseil d'État avait été saisi par deux associations de défense des droits de l'enfant réputées proches des milieux conservateurs - SOS Éducation et Juristes pour l'enfance - qui demandaient le retrait d'une circulaire de l'Éducation nationale datant du 29 septembre 2021.

Cette circulaire intitulée "Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire" vise à clarifier le rôle que doit tenir l’institution face aux « transitions de genre » souhaitées par des élèves, et reconnaît les droits des élèves transgenres. Elle recommande notamment de veiller à l’utilisation du prénom choisi par l’élève dans la vie interne de l’établissement, si cette demande est faite avec l’accord des deux parents s’il est mineur.

« Les requêtes de l’association SOS Éducation et de l’association Juristes pour l’enfance sont rejetées », indique la haute juridiction administrative estimant notamment que la circulaire « n’a pas porté illégalement atteinte à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Pour le Conseil d’État, « en préconisant ainsi l’utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres », la circulaire litigieuse « n’a pas porté illégalement atteinte à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Le Conseil d'Etat fait valoir que par cette circulaire Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale de l'époque, « a adressé des recommandations à l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale afin de mieux prendre en compte la situation des élèves transgenres en milieu scolaire, de faciliter leur accompagnement et de les protéger ». Elle n'a eu par ailleurs « ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions de l’article L. 541-1 du code de l’éducation qui confient en priorité aux personnels médicaux, infirmiers, assistants de service social et psychologues de l’éducation nationale la mission d’assurer des actions de promotion de la santé des élèves ».

Les termes concernant l’utilisation du prénom d’usage ne sont « pas de nature à porter une atteinte illégale à la liberté de conscience des enseignants, des élèves ou de leurs parents », estime-t-il. Et ils « ne méconnaissent pas » le « principe de neutralité des services publics, pas davantage que l’autorité parentale ». Dès lors, « les moyens tirés de ce que la circulaire violerait le principe de neutralité des services publics et la liberté de conscience des enseignants et des élèves" (…) ne peuvent qu’être écartés ».

L’institution ajoute que le texte du ministre, dont l'objectif est d’identifier différentes options envisagées « par les établissements scolaires en ce qui concerne l’usage des espaces d’intimité par les élèves transgenres (toilettes, vestiaires, dortoirs) », ne porte pas atteinte « au droit des autres élèves au respect de leur vie privée et de leur intimité » et au « devoir des parents » de « protéger » leurs enfants.

Fin 2020, le suicide à Lille d’une lycéenne transgenre avait interrogé le rôle de l’institution scolaire dans l’accompagnement de ces élèves.

REPÈRE. Selon la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), 8 952 personnes sont titulaires, en 2020, d'une ALD (affection longue durée) pour « transidentité », dont 294 âgées de 17 ans et moins. Ces chiffres ne rendent compte probablement que « très partiellement » le nombre réel de mineurs suivis, note le rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans remis au gouvernement en janvier 2022. « Si les services de pédopsychiatrie peuvent être amenés à recevoir des enfants prépubères, relevant ou non d’un diagnostic de dysphorie précoce du genre, la grande majorité des mineurs concernés sont des adolescents, avec une part croissante, voire majoritaire d’adolescents (female to man - FtM) », constatent les deux auteurs du rapport, le Dr Hervé Picard, médecin généraliste et médecin de santé publique et Simon Jutant codirecteur d’Acceptess-T, association de défense des personnes transgenres. A titre d'exemple, dans le service spécialisé de la Pitié Salpêtrière à Paris, on compte 64 % de FtM parmi les nouveaux patients.