Après plusieurs alertes dans des écoles, Paris met en œuvre un plan d’action inédit pour libérer la parole, prévenir les violences et sécuriser les parcours des plus de 300 000 enfants accueillis chaque jour dans ses équipements municipaux.
De récentes suspicions d’actes à caractère sexuel dans plusieurs établissements ont poussé la Ville de Paris à revoir son organisation. Ces situations ont montré, souligne le communiqué, « la nécessité d’une mobilisation renforcée de l’ensemble des acteurs publics ». Pour construire ce plan, Paris s’est appuyée sur plusieurs sources : les retours des familles et des parents élus, les analyses des experts, mais aussi le travail « des enquêteurs mobilisés à la suite des alertes récentes ». L’objectif n’est pas seulement de répondre après coup, mais de créer des réflexes partagés et des circuits plus clairs, pour que les signaux faibles ne restent plus sans suite.
Un Défenseur des enfants et une commission dédiée
Premier axe : mieux accueillir la parole des victimes et des témoins. C’est dans cet esprit qu’est créé un Défenseur des enfants indépendant, conçu comme un point d’entrée simple et direct. L’idée est de permettre à chacun de signaler une situation « sans crainte d’avoir à faire transiter l’information par une personne potentiellement impliquée ». Une adresse mail dédiée et un réseau de délégués dans chaque arrondissement viendront appuyer ce dispositif.
Une fois le signalement transmis, une commission prend le relais. Elle réunit élus, représentants de parents et personnalités qualifiées pour examiner les situations et décider des suites à donner. Parmi les mesures possibles, « la suspension immédiate de l’agent mis en cause », l’accompagnement des familles, l’ouverture d’enquêtes administratives ou encore « la saisine du procureur via l’article 40 ». Le Défenseur des enfants en fait partie intégrante, afin de garantir « le respect des droits de l’enfant ».
Signaler plus facilement, partout
Le second axe veut rendre le signalement beaucoup plus simple, presque automatique. La Ville insiste sur une règle qui doit devenir un réflexe collectif : « Toute situation anormale doit pouvoir être remontée ». Pour que ce principe vive vraiment, chaque école affichera clairement les contacts et les démarches à suivre, tandis que les parents élus recevront un kit explicitant les circuits.
Quel que soit l’interlocuteur — professeur, animateur ou gardien — l’alerte remontera à la circonscription des affaires scolaires et de la petite enfance (CASPE), qui « procède à la suspension immédiate de l’agent en cause » avant de saisir le Défenseur.
Cette exigence de vigilance s’inscrit dans un contexte très concret : en 2025, trente animateurs ont été suspendus, dont 16 pour des suspicions de faits à caractère sexuel. Un volume stable depuis deux ans, selon la mairie, qui illustre à quel point les alertes sont fréquentes… et combien il est essentiel de disposer de mécanismes fiables pour les traiter sans délai.
Former, prévenir, détecter
Le plan s’appuie sur quelques chiffres qui donnent l’ampleur du problème : « 1 enfant sur 10 est victime de violences sexuelles », dont « 80 % au sein de la famille ». Le communiqué rappelle aussi qu’« 1 enfant meurt sous les coups de ses parents tous les cinq jours » et qu’« 1 enfant sur 10 est victime de harcèlement ».
Pour agir plus tôt, la Ville renforce la formation des professionnels. Avant de commencer, chaque animateur vacataire devra suivre « une formation obligatoire de deux jours ». Le programme « Prév’anim », qui repose sur des mises en situation et des exercices pratiques, sera généralisé, et des demi-journées seront réservées à la formation commune dans chaque école.
La détection précoce sera également intégrée dans les bilans médicaux des 3/4 ans et 5/6 ans. Et pour éviter qu’un agent déjà mis en cause revienne au contact des enfants, la Ville conservera la mémoire des signalements afin de ne pas recruter de personnes ayant été suspendues pour des faits à caractère sexuel sur mineur.
Droits de l’enfant et lien avec les familles
Le plan compte aussi sur un travail de fond autour des droits de l’enfant. La mission dédiée, déjà active et forte de « 40 000 enfants » sensibilisés, développera de nouveaux ateliers « dès la crèche », des outils pour les parents et des formations obligatoires pour les équipes. Les associations spécialisées interviendront régulièrement dans les écoles, qu’il s’agisse de prévention classique ou d’accompagnement en situation de crise, en coordination avec le programme EVARS (éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle). Un comité des parents présentera chaque année la feuille de route du Défenseur et son rapport de suivi, signe que la transparence fait partie intégrante du dispositif.