L'association Psychodon, qui vise à sensibiliser sur les maladies psychiques, a dévoilé, le 10 mars,  les résultats d’un sondage réalisé avec OpinionWay sur la santé mentale des jeunes. Constat alarmant : 1 jeune sur 4 déclare être malheureux voire même avoir des pensées suicidaires au quotidien.

« Le moral des jeunes n'est pas au beau fixe », assène Luc Balleroy, directeur général d’OpinionWay, lors de sa présentation, le 10 mars, d’un sondage dans le cadre du Forum Jeunes et Santé mentale de l’association Psychodon organisé au ministère des Solidarités et de la Santé. (1)

Premier constat : moins de la moitié des jeunes sont heureux au quotidien. D'après le sondage, 20 % des  déclarent être « pas vraiment heureux », et 5 % « pas du tout heureux ». Un tiers des interrogés ne sont « ni heureux, ni malheureux ». A l'origine de ce mal-être, deux sujets de préoccupations majeures : l’amour, plus de la moitié des jeunes ne sont pas épanouis sur ce sujet (3 jeunes sur 10 ne le sont pas du tout) et les études, premier facteur d’anxiété. Ainsi, 45% des jeunes se disent non épanouis et 17% pas du tout épanouis dans leurs études ou leur travail. Dans ce contexte, la famille comme les amis sont des groupes qui permettent aux jeunes de se sentir bien : 80% se disent épanouis dans leurs relations amicales et 73% avec leurs familles.

« La génération des 15-25 ans qui a grandi à l'époque des attentats, des crises sociales et de la pandémie porte des traumatismes cumulés », considère Didier Meillerand, fondateur du Psychodon.

Après deux années de crise sanitaire, comment les jeunes se projettent-ils ? Seulement 45 % des sondés se disent « relativement confiants dans l’avenir » et seulement 10% sont « très confiants ». Du côté des pessimistes, ils sont 55% à exprimer leurs inquiétudes concernant leur avenir et 18% sont très inquiets. Parmi les jeunes qui se déclarent malheureux, 80% sont inquiets quant à leur avenir. « La génération des 15-25 ans qui a grandi à l'époque des attentats, des crises sociales et de la pandémie porte des traumatismes cumulés », considère Didier Meillerand, fondateur du Psychodon. « On peut mettre ces résultats en parallèle avec ce que l'on observe dans les services cliniques où on a effectivement vu une forte majoration de la demande chez les jeunes en termes de prise en charge médicale, que ce soit pour des troubles anxieux, soit pour des troubles dépressifs, pour les conduites suicidaires, pour les troubles de conduites alimentaires. C’est un phénomène très marquant, mois après mois, pendant ces deux années de crise sanitaire », analyse Frank Bellivier, délégué ministériel à la Santé Mentale et à la Psychiatrie au Ministère des Solidarités et de la Santé.

Autre donnée préoccupante : 24% des jeunes sondés déclarent avoir des pensées suicidaires au quotidien. « Si le sondage portait sur les 14-16 ans voire même sur les 12-14 ans, on trouverait les mêmes chiffres », estime Alice Oppetit, pédopsychiatre à la Pitié Salpêtrière à Paris, « il y a beaucoup de passages aux urgences pour des pensées suicidaires voire des passages à l’acte chez les adolescents avec des scarifications, des intoxications médicamenteuses volontaires ».

« Près de la moitié des jeunes a déjà renoncé à aller voir un psy, le plus souvent par manque de moyens. La jeunesse se confronte à un système peu enclin à les aider. »

L’expression de son mal-être est un sujet encore tabou et lorsqu’ils ne vont pas bien les deux tiers des jeunes en parlent difficilement et 3 sur 10 en parlent même très difficilement. Près de la moitié des jeunes, 45%, a déjà renoncé à aller voir un psy, le plus souvent par manque de moyens. « Ils sont 69% à y renoncer, pour cette même raison, parmi ceux qui ont des pensées suicidaires. La jeunesse se confronte à un système peu enclin à les aider », juge Luc Balleroy. « Les hôpitaux n’ont pas pu répondre aux demandes d’admission faute de places suffisantes. La prise en charge de ces jeunes en souffrance psychique se fait alors en ambulatoire, en s’appuyant beaucoup sur la famille, les parents, les frères et sœurs », reconnaît Alice Oppetit.
Dans son rapport annuel consacré aux droits de l’enfant, "Santé mentale des enfants : le droit au bien-être" publié en novembre dernier, la Défenseuse des droits pointait déjà du doigt une augmentation des troubles dépressifs chez les jeunes et leur insuffisante prise en charge psychiatrique. « Tout le monde de la pédopsychiatrie alerte sur le manque de moyens, on ne peut pas avoir six mois ou un an de délai d’attente pour avoir rendez-vous avec un psy », alertait Claire Hédon, insistant sur le manque de pédopsychiatres et de psychologues dans les Centres médico-psychologiques (CMP) et les centres médicaux psycho-pédagogiques (CMPP). Reste à voir si le dispositif "MonPsy" qui permet, à partir d’avril, le remboursement par l’Assurance maladie de huit consultations au maximum chez le psychologue sous condition de prescription médicale répondra en partie aux besoins des jeunes en souffrance.

Dernier point, le sondage met en évidence un besoin d’information des jeunes sur les différentes maladies psychiques et la santé mentale. Seulement 1 jeune sur 10 a déjà entendu parler des premiers secours en santé mentale (PSSM) qui sont l’équivalent en santé mentale des gestes de premiers secours physiques traditionnels.

(1)   Etude réalisée auprès d'un échantillon national représentatif de 540 jeunes âgés de 16 à 24 ans, selon la méthode des quotas. Les interviews ont été réalisées entre le 18 et le 21 février 2022, soit avant la guerre en Ukraine.