Lors de son interview aux JT de 13 h, Emmanuel Macron a prôné le « retour de l'autorité à chaque niveau et d'abord dans la famille », suite aux émeutes urbaines déclenchées par la mort du jeune Nahel fin juin. Un diagnostic qui suscite déjà la critique dans le secteur de l'enfance et de la jeunesse.

Le 24 juillet, dans un entretien télévisé, diffusé le 24 juillet sur TF1 et France 2 depuis la Nouvelle-Calédonie, le président de la République s’est exprimé directement auprès des Françaises et des Français après la fin des "100 jours d'apaisement" qu’il avait lancé après la réforme des retraites, et après les émeutes urbaines en banlieue, fin juin et quelques jours après le remaniement ministériel.

Parmi les sujets abordés, le président de la République est revenu sur les émeutes déclenchées par la mort de Nahel, 17 ans, tué à Nanterre (Seine-Saint-Denis) le 27 juin par un policier lors d’un contrôle routier. « Cette violence qu'on a vue est le fait de certains de nos compatriotes extrêmement jeunes », précise-t-il. Saluant la « réponse judiciaire implacable », il dresse le portrait des 5 à 600 jeunes qui ont été déférés à la justice.

« Ce sont des très jeunes – environ 16 ans de moyenne d’âge. On parle de jeunes qui, pour une très large majorité, n’étaient pas connus de la justice. On parle de jeunes qui, pour une écrasante majorité, ont un cadre familial qui est fragilisé, soit parce qu’ils sont dans des familles monoparentales – ils sont élevés par un seul de leurs parents – soit parce qu’ils sont à l’aide sociale à l’enfance », indique Emmanuel Macron.

De la violence qui a conduit à « brûler des écoles, des mairies, des gymnases, des bibliothèques » et de cette « violence de pillage », « la leçon que j'en tire, c'est l'ordre, l'ordre, l'ordre », martèle le chef de l'État. « On a eu une réponse judiciaire implacable (…), il n'y a pas de liberté sans ordre », affirme le président, qui estime que « le pays a besoin d'un retour de l'autorité, à chaque niveau, et d'abord dans la famille ».

« Sans doute, l'une des limites de notre République, c'est que pendant des décennies on a concentré les difficultés dans les mêmes quartiers aux mêmes endroits », admet Emmanuel Macron.

Au total plus de 1 300 personnes ont été présentées à la justice après ces émeutes, dont 608 mineurs. Ils n'ont pour la plupart pas été jugés, la procédure étant plus longue pour les moins de 18 ans.

« Notre pays a besoin d'un retour de l'autorité à chaque niveau, et d'abord dans la famille », juge le président. Emmanuel Macron annonce vouloir ouvrir à la fin de l'été, « le chantier de l'autorité parentale ». Selon lui pour beaucoup de ces jeunes, ce n'est « pas l'Éducation nationale, encore moins la police qui peut régler le problème, il faut le traiter à la cause, donc on doit responsabiliser certaines familles, on doit aussi accompagner d'autres familles qui sont dans la détresse et on doit réinvestir massivement sur notre jeunesse pour lui redonner un cadre ».

Le chef de l'État épingle, également, le rôle des réseaux sociaux dans ces émeutes. « Beaucoup de ces jeunes se sont donnés rendez-vous, ont organisé ces émeutes, ont parfois fait des concours par certains réseaux », ce qui impliquerait de réussir « à mieux protéger nos enfants et adolescents des écrans ». Par ailleurs, il faut, « de manière partenariale avec ces plateformes réussir à très vite retirer les contenus quand ils appellent à la violence ». Emmanuel Macron plaide en faveur d’un « ordre public numérique » qui permettrait de « prévenir ces débordements ».

Le président a fait allusion également aux difficultés sociales et économiques des banlieues. Il estime qu'il faut « revoir notre politique de répartition des difficultés ». « Sans doute, l'une des limites de notre République, c'est que pendant des décennies on a concentré les difficultés dans les mêmes quartiers aux mêmes endroits », admet-t-il.  

Du côté des politiques, Jean-Luc Mélenchon a été l'un des premiers à réagir sur Twitter, accusant le chef de l’État de « s'en prendre aux familles monoparentales » et de « couvrir les débordements » de la police « sans soutenir la Justice ».

Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny et membre du conseil national de la protection de l'enfance  (CNPE) qui s'est déjà exprimé, le 1er juillet sur son blog, sur la question de la responsabilité parentale lors des violences urbaines, est peu convaincu par l'analyse présidentielle des raisons de la crise qui a secoué, durant plusieurs jours, certains quartiers populaires.

« On ne progresse toujours pas : l’autorité n'est respectée que parce que respectable et pas décrétée d’un mouvement de jugulaire. Pourquoi respecter un ordre dont on pense qu’il ne vous respecte pas ? On monte la police contre la justice. On pointe du doigt des parents défaillants et on escamote le débat sur les causes des émeutes. Et on fait le pari que rien ne se reproduira avant une ou deux décennies. Courte vue ! », déplore Jean-Pierre Rosenczveig dans un post LinkedIn.


Les déclarations du président de la République sur le profil des jeunes ayant participé aux violences urbaines ont, également, piqué au vif Lyes Louffok. Le militant des droits de l'enfant et membre du conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) est ainsi sorti, momentanément, du silence qu'il a choisi depuis plusieurs mois sur les réseaux sociaux.

« Si la majorité des enfants déférés sont issus de l'aide sociale à l'enfance, c'est peut-être que notre pays échoue à protéger les plus faibles, est incapable d'accorder à tous les mêmes chances de s’inclure dans la société, de vivre décemment, dans la dignité ? », critique Lyes Louffok sur Twitter.

Philippe Meirieu, chercheur et président des CEMEA (Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active) a également commenté l'intervention d'Emmanuel Macron, considérant que le coeur du problème n'est pas « le manque d'autorité ».

L'annonce de ce « chantier de l'autorité parentale » à la fin de l'été devrait susciter, durant les prochains jours, d'autres réactions chez les professionnels de l'enfance, de la famille et de la jeunesse.