Des expertes indépendantes de l'ONU appellent la France à « agir d'urgence » pour protéger les enfants contre l'inceste et soutenir leurs mères. La lutte contre les violences sexuelles et l'inceste constitue « une priorité du gouvernement » français, a assuré le 20 janvier le ministère des Affaires étrangères.

Ces expertes - deux rapporteuses spéciales et les cinq expertes du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles - demandent aux autorités françaises de « s'attaquer aux traitements discriminatoires et aux violences subies par les mères qui tentent de protéger leurs enfants de la prédation sexuelle ».

La lutte contre les violences sexuelles et l’inceste constitue « une priorité du gouvernement » français, a assuré, le 20 janvier le ministère des Affaires étrangères. « La France a pris note » de cet appel, indique le Quai d’Orsay dans une déclaration. « Le Président de la République a voulu la création de 2021 de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Le nouveau plan de lutte sur les violences faites aux enfants 2023-2027 traduit l’engagement du gouvernement français », ajoutent les services de Stéphane Séjourné.

Trois cas de mères poursuivies

Les expertes mandatées par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU s'appuient sur trois cas de mères poursuivies pour avoir soustrait les enfants à leurs pères respectifs, accusés de violences sexuelles ou physiques et psychologiques. Ces cas avaient été détaillés dans un courrier adressé par les expertes aux autorités françaises le 27 juillet 2023. Elles « ont constaté que, selon les allégations, les enfants sont victimes d'abus sexuels ou courent un risque élevé d'abus sexuels de la part de leurs pères ou d'auteurs présumés contre lesquels il existe des preuves crédibles et troublantes d'abus sexuels incestueux ».

« Malgré ces allégations, et en l'absence d'enquête adéquate, ces enfants sont placés sous la garde des pères contre lesquels les allégations sont faites, et les mères sont sanctionnées pour enlèvement d'enfant pour avoir essayé de protéger leurs enfants », notent-elles, ajoutant que « les enfants concernés restent sous la garde des auteurs présumés ».

« Au titre de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance du pouvoir judiciaire, le gouvernement ne saurait contester l'autorité de la chose jugée par des magistrats indépendants », répond le Quai d'Orsay.

Fin octobre 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) publiait un avis intitulé "Mères en lutte", dans lequel elle alertait sur l'urgence de protéger les mères dénonçant les violences sexuelles commises par leur (ex)-conjoint sur leurs enfants.

"L'opinion de l'enfant doit être recherchée et respectée, et l'intérêt supérieur de l'enfant doit être la considération première avant que les décisions de garde ne soient prises en faveur de l'un des parents".

Permettre une approche préventive

Les expertes de l'ONU exhortent les autorités françaises à respecter le « principe de précaution » et le « principe de diligence raisonnable » en matière de protection de l'enfance, en particulier pendant les procédures judiciaires, afin de permettre une approche préventive.

L’opinion de l’enfant doit être recherchée et respectée, et l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération première avant que les décisions de garde ne soient prises en faveur de l’un des parents, insistent les expertes.

Elles jugent « essentiel de sensibiliser les responsables de l’application de la loi et de la justice et de renforcer leur capacité à surveiller et à traiter efficacement les violations des droits de l’homme dont sont victimes ces enfants et leurs mères ».

« Cet avis de l’ONU est salutaire, parce qu'il accrédite une réalité désastreuse: les enfants qui révèlent l’inceste et le parent protecteur ne sont pas crus, ne sont pas protégés et sont même mis en danger. Cela conduit à des situations judiciaires tragiques, où un enfant victime est arraché à son parent protecteur pour être confié au parent agresseur », déclare à l'AFP le juge Durand, qui coprésidait la Ciivise jusqu'à fin 2023.

(avec AFP)