La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités compte dans ses attributions la politique de la protection de l'enfance. Le cordon qui rattache le secrétariat d'État chargé de l'Enfance directement au Premier ministre est-il rompu ? Réponse le 30 janvier.

Nommée le 12 janvier à la tête d'un super ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin a un périmètre d'action extrêmement large. Selon un décret publié au Journal officiel du 25 janvier, elle est chargée de la mise en œuvre de la politique du gouvernement « dans les domaines du travail, de l'emploi, de l'insertion professionnelle et économique, de l'apprentissage, de la formation professionnelle, du dialogue social et de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ».

Au rang de ses attributions, on retrouve également l'action en matière de santé publique, d'organisation du système de santé, de la solidarité, de la cohésion sociale, de la famille. Le champ du handicap s'inscrit également dans le cadre des missions de son ministère XXL.

Catherine Vautrin a aussi sous sa responsabilité les dossiers de la parentalité et de l'enfance, « notamment de l'accueil de la petite enfance et de la protection de l'enfance ».

Doit-on comprendre que le cordon qui rattachait le secrétariat d'État chargé de l'Enfance directement à Matignon est rompu ? Lors de la nomination en mai 2022 de Charlotte Caubel à cette fonction, ce choix avait été fait afin d'inscrire la politique de l'enfance dans une approche interministérielle. « La protection de l'enfance sera au cœur des cinq années qui viennent », promettait Emmanuel Macron, en 2022, en conclusion du débat du second tour de l'élection présidentielle.

« Je suis en capacité de parler à l'ensemble des ministères et des administrations, à toutes les collectivités territoriales sur tous les sujets liés à l'enfance », rappelait régulièrement Charlotte Caubel lors de ses interventions dans les médias. Depuis le 21 novembre 2022, trois comités interministériels à l'enfance (CIE) ont eu lieu. Objectif visé : « assurer le suivi et la mise en cohérence des politiques menées ».

Y aura-il, dès lors, un ministère délégué ou un secrétariat d'État chargé de l'Enfance auprès du ministère des Solidarités ?

Alors que les associations du secteur n'ont une fois de plus pas obtenu la création d'un ministère dédié à l'Enfance et que le secteur de la protection de l'enfance s'enfonce dans la crise, les attentes sont très fortes concernant la désignation de leur futur interlocuteur. Réponse le 30 janvier, date à laquelle les noms des ministres délégués et secrétaires d'État seront dévoilés après le discours de politique générale du Premier ministre Gabriel Attal à l'Assemblée nationale.


Attribution de la protection de l'enfance à Catherine Vautrin : les premières réactions

Claude Roméo, directeur départemental honoraire Enfance et Famille de la Seine-Saint-Denis, ancien conseiller technique auprès des ministres de l’Enfance

« Aujourd'hui, la seule solution doit être d'avoir un ministre de l'Enfance de plein exercice avec un budget et une administration, ce qui n’est pas contraire à la nécessité d'une transversalité avec les politiques des autres ministres que sont l'Éducation Nationale, la Santé, les Solidarités, la Jeunesse et les Sports, la Justice etc.... La nomination d'une où d'un Secrétaire d'État ne répond aucunement aux besoins d'une politique de l'Enfance...il aura un rôle de communication et de visites sans pouvoir de décision, comme ce fut le cas de l'ancienne Secrétaire d'État, Charlotte Caubel qui quoique rattachée à la Première Ministre, aucun véritable dossier a vu le jour, que soit sur la protection de l'enfance concernant les propositions du CNPE et l'Uniopss pour un plan Marshall sur les 30 000 postes vacants. Il en fut de même sur les modes d'accueil de la petite enfance où nous sommes loin des 100 000 places supplémentaires, dont seulement 35000 ont été mises en place depuis 2017.

Voilà un an que nous attendons les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant annoncées à grand renfort mais toujours pas tenues. Pas plus les annonces sur le Livre blanc du travail social, sur la pédopsychiatrie sinistrée, sur la situation de la santé scolaire avec 800 médecins pour 60 000 établissements, sur l'amélioration des prises en charge des mineurs non accompagnés… etc. !

Je partage la lettre ouverte du Professeur Bernard Golse, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université Paris Cité et fondateur de l'Institut Contemporain de l’Enfance, qui parle d'un échec des politiques nationales de l'enfance. Il rejoint les observations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, de la mission parlementaire du Sénat sur l'application des lois de protection de l'enfance, le rapport IGAS sur les crèches… Le Pr Bernard Golse a raison de parler d'échec de la politique de l’enfance qui n'est pas une priorité malgré les annonces du Président de la République qui préfère sanctionner les parents plutôt que de les aider ! Nous attendons le 30 janvier, le discours du Premier Ministre lors du débat de politique générale. Je compterai le nombre de fois où il prononcera les mots « politiques de l'enfance » et la nomination ou non d'un ministre de l'Enfance ».

Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny

: « C'est une régression majeure qui fait douter de la sincérité du politique en 2022 ! On a été trompé. On s'est trompé. Dont acte ! », fustige l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, membre du bureau du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) et co-président de la Commission "Enfances, familles, jeunesses" de l’Uniopss.

Maxime Zennou, directeur général du Groupe SOS jeunesse, délégué territorial aux Outre-Mer

«  Si l’option se confirme, ce serait effectivement un recul ! L’interministérialité même très contrainte pouvait laisser espérer des marges de manœuvre budgétaire plus souples même sans réel budget d’intervention, la capacité à mobiliser tous les ministères concernés sur les sujets transversaux enfance/jeunesse. Un sursaut pourrait être possible par la création d’un réel ministère de l’Enfance de plein exercice. Il ne semble pas que nous en prenions le chemin », commente-t-il sur le réseau LinkedIn.


Dans une tribune publiée le 25 janvier dans Marianne, les magistrates Béatrice Brugère et Stéphanie Gasnier, respectivement secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats FO et juge des enfants et déléguée syndicale Unité magistrats FO, défendaient l'idée d'un secrétariat de la protection de l’enfance rattaché au ministère de la Justice. « La création d’un secrétariat de la protection de l’enfance rattaché au ministère de la Justice, disposant d’un rôle moteur, tant au niveau interministériel que départemental, sur les politiques publiques de protection de l'enfance, pourrait être une piste pour fluidifier et pérenniser une politique ambitieuse. Cette politique aurait pour mission de contrôler efficacement l’application des normes sur le terrain et les politiques publiques menées au niveau territorial. Envisager de rattacher la protection de l’enfance au ministère de la Justice semble s’imposer aujourd’hui comme une piste cohérente pour coordonner les différents acteurs et impulser l’indispensable changement. Il y va de notre crédibilité et de la protection des plus faibles », écrivent-elle. Cette option est d'ores et déjà écartée par le gouvernement.

(publié le 25 janvier, mis à jour le 25 janvier)