Le gouvernement a dévoilé, le 2 mai, une stratégie nationale de lutte contre la prostitution qui intègre une série de mesures concernant les mineurs et notamment les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Huit ans après la mise en œuvre de la loi de lutte contre le système prostitutionnel du 13 avril 2016, Aurore Bergé a présenté le 2 mai une stratégie interministérielle visant à « renforcer et d’harmoniser l’application de la loi sur tout le territoire et de mieux prendre en compte les nouvelles formes de prostitution ». « Je pense notamment à l’essor des réseaux sociaux et des plateformes en ligne de réservation de logements », ajoute la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Quant à l’exploitation sexuelle des mineurs, « particulièrement vulnérables dans ce contexte », elle « nécessite le renforcement de mesures spécifiques et ciblées ».

Le quatrième axe de cette nouvelle stratégie vise à poursuivre la lutte contre l'exploitation sexuelle des mineurs dans la continuité du plan de lutte contre la prostitution des mineurs lancé en 2021.

Les mineurs représentent aujourd'hui 30 % des 40 000 personnes prostituées en France.

La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale prévoit que « tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d'assistance éducative ». « Ce phénomène, présent sur tout le territoire, touche surtout des jeunes filles âgées de 15 à 17 ans, avec un point d’entrée dans la prostitution de plus en plus tôt, se situant entre 14 et 15 ans. Ces mineurs issus de tous les milieux sociaux ont souvent en commun d’avoir été victimes de violences, notamment sexuelles, avant leur entrée dans le système prostitutionnel », indique le gouvernement.

Le gouvernement souhaite sensibiliser les jeunes dès le secondaire aux risques prostitutionnels. L'une des mesures annoncées a pour but de former au repérage et à la prise en charge tous les professionnels qui peuvent être en contact avec des jeunes victimes d’exploitation sexuelle, et de poursuivre la formation de tous les professionnels au contact régulier de mineurs [aide sociale à l'enfance (ASE), protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et la prévention spécialisée].

Un tiers des fugues avérées de jeunes filles sont liées à la prostitution, selon les chiffres 2022 du 116 000 Enfants disparus. « Le lien entre fugues à répétition et prostitution est avéré. La prostitution peut soit être le motif d’un départ en fugue, soit le moyen par lequel, pendant une fugue, la victime va se faire héberger, se nourrir, etc », rappelle le plan.

La stratégie prévoit de poursuivre le développement de la plateforme nationale d’écoute et de suivi des situations de prostitution de mineur créée en avril 2023 et intégrée au sein du SNATED-119. En un an, ce dispositif a été sollicité pour 143 situations différentes (lire notre article).

Près d’un quart des victimes mineures de prostitution sont aujourd'hui recrutées sur les réseaux sociaux.

« Dans la majorité des cas, la prostitution de mineurs est hébergée (hôtel ou appartement en location de courte durée). La mise en relation avec les clients se fait par le biais de sites spécialisés ou de réseaux sociaux dans une très large majorité des cas, rendant les victimes peu visibles sur la voie publique. L’un des enjeux de la lutte contre la prostitution des mineurs est d’aller vers eux (démarche d’ "aller vers"), là où ils s’exposent, c’est-à-dire en ligne », souligne la stratégie interministérielle.

Le gouvernement entend soutenir les associations dans leurs démarches d’aller-vers et de maraudes numériques. A l’instar de la maraude de rue, la maraude numérique s'inscrit dans une démarche d'aller-vers. « Cette prise de contact par voie numérique doit permettre non seulement de repérer les personnes mineures en situation de prostitution, mais aussi de leurs proposer les coordonnées d’une structure apte à les accompagner et à les orienter vers les services partenaires compétents », peut-on lire dans le cahier des charges de l’appel à projets de déploiement de maraudes numériques élaboré par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

Un réseau national de lieux d’accueil et de prise en charge des mineurs victimes d’exploitation sexuelle va être mis en place. La DGCS va lancer un appel à projets à destination des conseils départementaux afin de mettre en œuvre des actions de sensibilisation à destination des mineurs accueillis dans les structures de l’ASE, de la PJJ. Le plan prévoit également de renforcer la prise en charge des victimes mineures au sein des unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED). Des équipes pédiatriques référentes enfance en danger (EPREED) seront notamment chargées d’animer le réseau des UAPED et de proposer une offre de recours et d’expertise pour les situations les plus complexes.

Enfin, la stratégie envisage de poursuivre le travail de recherche sur l’exploitation sexuelle des mineurs au niveau territorial et dans les territoires ultra-marins. « L’association Contre les violences des mineurs (CVM) financée par la DGCS a réalisé une recherche-action en la matière sur le territoire métropolitain. Il est nécessaire de poursuivre ce travail de recherche au sein des territoires, notamment ultra-marins, pour disposer d’un diagnostic fiable », peut-on lire dans la présentation de la stratégie.

Les associations  (Amicale du Nid- CAP International - Fondation Scelles Mouvement du Nid – FNCIDFF) saluent, dans un communiqué commun, « une volonté politique affirmée » mais regrettent « l’absence de moyens supplémentaires » et depuis plusieurs années « la faiblesse de l’engagement des ministères de l’Intérieur et de la Justice ».  « La mise en sécurité des femmes et des filles, notamment étrangères mais aussi des mineur·es et jeunes majeur·es, est insuffisante… », déplorent-elles.