Déjà mis en place en Seine-Saint-Denis depuis 2014 et dans le Rhône depuis 2021, le protocole pour l’accompagnement rapproché des enfants témoins de féminicide/homicide au sein du couple devrait être prochainement généralisé. Le gouvernement va envoyer d'ici un mois les directives à suivre aux agences régionales de santé.

En visite au CHU de Bordeaux, le 17 février, pour inaugurer une unité pédiatrique enfant en danger (Uaped), Adrien Taquet, secrétaire d'Etat à l'Enfance et aux Familles a présenté le nouveau protocole de prise en charge des enfants témoins de féminicide/homicide au sein du couple. La généralisation de ce protocole avait été discutée dans le cadre du Grenelle des violences conjugales organisée, en 2019, par le gouvernement.

Alors que chaque année en France plus d'une centaine de femmes meurent sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, « plus de 80 enfants en 2020 sont devenus orphelins d'un ou de leurs deux parents et ont été témoins de faits traumatisants », rappelle Adrien Taquet.

Double traumatisme

Jusqu’à présent, la prise en charge des enfants témoins du meurtre n’était pas formalisée ou unifiée sur tout le territoire national, et chaque juridiction décidait au cas par cas. En quoi va constituer ce nouvel accompagnement ? L'enfant (ou la fratrie) sera désormais systématiquement emmené à l'hôpital par les services du Samu et pris en charge par des équipes pédiatriques et pédopsychiatriques. Un bilan somatique et pédopsychiatrique sera établi dans les 72 heures, avec le soutien du centre régional de psychotrauma pour évaluer son besoin de soins. « Ces enfants souffrent d'un double traumatisme : ils voient une figure d'attachement, leur mère, tuée par leur père, autre figure d'attachement. Ils perdent les deux », explique-t-on au cabinet d'Adrien Taquet. Le protocole prévoit également un accompagnant pour s’occuper de l'enfant, en renfort du service de pédiatrie.

Parallèlement à cette prise en charge, le Procureur prendra une ordonnance de placement provisoire pour protéger l'enfant et le placer sous la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Pendant le séjour en pédiatrie, les pouvoirs publics se réuniront pour évaluer l’environnement de l’enfant et faire des propositions à la justice pour son hébergement et sa prise en charge. « Le procureur pourra aussi suspendre les droits de visites et d'hébergement pendant cette période voire une période plus longue, par exemple pour les parents de l'auteur qui pourraient vouloir rester en contact avec l'enfant, ce qui ne serait pas bon pour lui », poursuit Adrien Taquet.

Des résultats probants

Le "protocole féminicide" en place, depuis 2014, en Seine-Saint-Denis, a donné des « résultats probants »,» explique le secrétariat d’État à l’Enfance et aux Familles. Ce dispositif est le fruit d’une collaboration entre l’Observatoire des violences envers les femmes, l’aide sociale à l’enfance (ASE), le parquet de Seine-Saint-Denis et l’hôpital Robert-Ballanger d’Aulnay-sous-Bois. En avril 2021, sous l'impulsion de Sylvie Moisson, procureure générale de la Cour d'appel de Lyon, douze acteurs dont la Métropole de Lyon et le Département du Rhône ont adhéré, à leur tour, à un "protocole féminicide", opérationnel 24h/24 et 7j/7.

Le gouvernement devrait envoyer, d’ici un mois, des directives aux agences régionales de santé (ARS) pour que cette démarche d'accompagnement des enfants devenus orphelins suite aux violences conjugales soit mise en place au niveau national.