Lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 20 novembre, Sandrine Rousseau a interpellé avec véhémence Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'Enfance sur le changement de présidence de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

« Vous avez annoncé le maintien de la Ciivise en évinçant Édouard Durand et Nathalie Mathieu de sa tête. À la suite de cette annonce, onze de ses membres ont démissionné. Le choix des personnes nommées à la place des anciens co-présidents interroge : Caroline Rey-Salmon a évoqué Outreau dès sa première prise de parole, sans que cela ne suscite une quelconque réaction de votre part – Outreau, où la parole des enfants a été ridiculisée et qui a entraîné une chute des condamnations ! La lecture féministe des crimes sexuels vous aurait aussi dérangée. Pas moins de 85 % des victimes sont des filles et 97 % des agresseurs des hommes : il y a bien un rapport genré aux violences sexuelles », poursuit la députée écologiste de la 9ème circonscription de Paris.

« Évincez-vous le juge Durand parce qu’il a pointé l’ampleur des violences faites aux enfants et la faiblesse de vos politiques publiques pour les combattre ? »

«  Trois enfants par classe sont victimes d’inceste, et le mot « inceste » est l’un des mots-clefs les plus recherchés sur les sites pornographiques : la pédocriminalité est banale. Statistiquement, dans cet hémicycle, cinquante-sept personnes ont été victimes de pédocriminalité ou d’inceste. Les statistiques manquent pour évaluer le nombre de pédocriminels. Les 82 préconisations doivent être appliquées d’urgence ! », réclame Sandrine Rousseau. « Évincez-vous le juge Durand parce qu’il a pointé l’ampleur des violences faites aux enfants et la faiblesse de vos politiques publiques pour les combattre ? » , interroge-t-elle.

Dans sa réponse, Charlotte Caubel condamne « les propos nauséabonds » qui circulent depuis quelques jours sur Sébastien Boueilh et Caroline Rey-Salmon (respectivement président et vice-présidente de la Ciivise à partir du 1er janvier 2024, ndlr), « qui ont accepté cette mission au nom de la cause qui nous anime tous – celle des enfants et de leur protection – et sont engagés depuis de nombreuses années, peut-être même avant moi et avant vous ».

« Personne n’a le monopole de la reconnaissance de la parole des victimes, et de l’engagement auprès de ces dernières ! Cette parole ne se réduit pas au plébiscite d’un homme, au travail d’une secrétaire d’État ou d’un gouvernement », ajoute la secrétaire d'État. Charlotte Caubel affirme que 41 des 82 préconisations du rapport final de la Ciivise remis en novembre ont été engagées par le gouvernement. « Une mission interinspections, créée par le Gouvernement, en expertise 25 autres », indique-t-elle.

« Quand elle parle de 40 préconisations engagées, je pense qu'elle veut dire qu'ils les ont reçues juste. Je ne vois pas d'autre interprétation. Depuis la création de la Ciivise, seules 3 ou 4 préconisations ont été appliquées », conteste, sur X (ex-Twitter) Pascal Cussigh, avocat pénaliste et président de l'association CDP Enfance.

« Je n’ai démissionné personne. Les mandats s’arrêtaient le 31 décembre ! Si onze personnes ont démissionné, neuf autres avaient déjà claqué la porte compte tenu du fonctionnement de la Ciivise – neuf personnes ! », assène Charlotte Caubel. Une autre affirmation qui a suscité l'ire de plusieurs des 12 membres (désormais) démissionnaires de la Ciivise (lire notre article).

« Il n’y a jamais eu 9 personnes qui ont claqué la porte de la Ciivise pour des dysfonctionnements. C’est un mensonge ! Deux médecins en mars 2022 ont démissionné dont Caroline Rey Salmon car ils étaient opposés à l'obligation de signalement pour les médecins », répond la psychiatre Muriel Salmona.


« Caroline Rey Salmon a quitté la Ciivise pour en 2022 car elle refusait l’obligation de signalement ! Guillaume Bronsart également ! Quelle honte de mentir ainsi ! », fulmine le responsable associatif Arnaud Gallais.