Le gouvernement lance, ce 12 septembre, une campagne de sensibilisation aux violences sexuelles faites aux enfants « pour susciter l’attention et la responsabilité de tous, et inciter à repérer, écouter et signaler ». La dernière campagne contre la pédocriminalité remonte à 2002 et n’évoquait pas l’inceste.

« Les violences sexuelles sont un secret trop bien gardé. Toutes les 3 minutes, 1 enfant est victime d'inceste, de viol, ou d'agression sexuelle ». Tel est le message que le gouvernement entend marteler durant la campagne de prévention contre les violences sexuelles visant les enfants. « Cette campagne a pour objectifs de faire la lumière sur l’ampleur de ces violences, mais aussi d’apporter des solutions concrètes en matière de détection et de signalement pour que les victimes ne portent plus seules le lourd "secret" qui leur est imposé », explique le secrétariat d’État chargé de l’Enfance, dans un communiqué.


Selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants subissent des violences sexuelles, soit une victime toutes les trois minutes. L'âge médian des premières violences intrafamiliales est de 7 ans pour les filles, 8 ans pour les garçons. Dans un quart des situations rapportées, les victimes d'inceste avaient moins de 5 ans. Dans son rapport intermédiaire publié en septembre 2022, la Commission indépendante sur l'inceste réclamait une nouvelle campagne de sensibilisation aux violences sexuelles faites aux enfants « ambitieuse, répétée et accessible à tous », et en particulier aux personnes en situation de handicap (lire notre article).

"Avec ce spot, nous voulons toucher les consciences et les estomacs", insiste Charlotte Caubel.

Calquée sur le modèle de la sécurité routière, cette campagne "choc" a pour objectif de sensibiliser les Français aux violences sexuelles faites aux enfants, de « susciter l’attention et la responsabilité de tous, et inciter à repérer, écouter et signaler ».

 Jeudi 21 septembre, la campagne sera diffusée pendant la Coupe du monde de rugby, à la mi-temps de la rencontre France-Namibie, au stade Vélodrome à Marseille. ©Gouvernement

«Le plus souvent, les enfants qui subissent des violences sexuelles ne savent pas quoi faire ni à qui en parler, surtout quand leur agresseur est un proche. L’inconcevabilité des violences sexuelles faites aux enfants crée un silence qui musèle les victimes mais aussi leurs proches et d’une certaine manière, la société tout entière », souligne le communiqué du gouvernement. « Avec ce spot, nous voulons toucher les consciences et les estomacs », insiste Charlotte Caubel, la secrétaire d’État à l’Enfance.

Selon l'étude statistique de l’activité du 119 "Allô enfance en danger" pour l'année 2022, les violences sexuelles sont, comme en 2021, évoquées dans un peu moins d’une sollicitation sur dix (respectivement 8,2% et 8,8%).

Cette campagne vise également à lutter contre l’inceste, une première en France. « C’est la première fois qu’un gouvernement utilise le mot ‘inceste’ dans une campagne, la première fois qu’il parle de ces violences sexuelles au sein de la famille », précise la secrétaire d’État à l’Enfance, auprès de l’AFP. La dernière campagne gouvernementale contre la pédocriminalité "Se taire, c'est laisser faire" remonte à 2002 et n’évoquait pas l’inceste. Le juge Édouard Durand, coprésident de la Ciivise salue « une campagne courageuse, qui ne cherche pas à minimiser la réalité et la peur, la souffrance d’un enfant ». « Il est fondamental que par cette campagne, le gouvernement dise "l’inceste existe" et "c’est un problème public et pas privé"», ajoute-t-il « La tentation de chacun est de se dire "ça ne me regarde pas, je ne veux pas me mêler des affaires des autres" ».

Le secrétariat d'État à l'Enfance rappelle, dans son communiqué « qu’il n’est pas acceptable que les enfants portent seuls la responsabilité de mettre fin au secret qui entoure encore les violences sexuelles » et renvoie vers le 119, numéro national d’appel d’urgence gratuit et confidentiel. Selon l'étude statistique de l’activité du 119 "Allô enfance en danger" pour l'année 2022, les violences sexuelles sont, comme en 2021, évoquées dans un peu moins d’une sollicitation sur dix (respectivement 8,2% et 8,8%).

Charlotte Caubel a visité, ce 12 septembre, le service national d’écoute, la ligne 119-Enfance, accompagnée du porte-parole du gouvernement Olivier Véran et de l’actrice Muriel Robin, qui joue dans un film sur l’inceste intitulé "Les Yeux grands fermés", sur TF1 le 2 octobre.

Dès le 15 septembre, la campagne de sensibilisation aux violences sexuelles faites aux enfants sera lancée en affichage animé et en digital, puis dans les cinémas dès le 20 septembre. Elle sera diffusée à la télévision pour la première fois le 21 septembre, puis de manière massive à compter du 6 octobre 2023 jusqu’au 2 novembre. Sur les réseaux sociaux, elle fera l’objet de contenus thématiques portés notamment par des experts et des professionnels de la protection de l’enfance.

Une campagne de sensibilisation : très bien mais…

Suite à l'annonce du lancement de cette campagne goubernementale, les acteurs du champ de la protection de l'enfance ont réagi sur X (Twitter). Florilège.

« On ne peut pas se plaindre d'avoir enfin une campagne de prévention, mais il est important que les moyens sur le terrain soient à la hauteur pour ne pas décevoir les attentes », commente Lyes Louffok, le militant des droits de l'enfant.


Commentaire cinglant de Pascal Cussigh, avocat pénaliste et président de l'association CDP-Enfance qui appelle le gouvernement « à traiter les vraies difficultés » Et de lister : «  former les professionnels, créer une ordonnance de protection spécifique aux enfants, suivre les recommandations de la CIIVISE ».


Scepticisme et impatience du côté de Michèle Créoff, juriste, spécialiste de la protection de l'enfance, vice-présidente du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) : « J’en suis à ma 5ème campagne nationale sur les violences sexuelles faites aux enfants la seule différence c’est que le mot inceste est prononcé. Sinon toujours pas de protection de l’enfant dès le début de l’enquête, un dispositif d’accueil inadapté etc… »,

(publié le 12 septembre, mis à jour le 12 septembre)